« La Traversée », d’Élisabeth Leuvrey : Entre deux rives

Élisabeth Leuvrey promène sa caméra sur le ferry entre la France et l’Algérie.

Ingrid Merckx  • 18 avril 2013 abonné·es

L’Algérie et la France. Ils ne se sentent pas d’un pays mais plutôt de deux. Sauf que, d’un côté comme de l’autre, on leur fait comprendre qu’ils sont étrangers. Finalement, le seul endroit ou ils se sentent à leur place, c’est sur ce bateau qui fait la navette. Comme un sol métaphorique et nomade, naviguant d’une culture à l’autre, d’une vie à l’autre, d’une génération à l’autre. Le temps du voyage permet des réflexions sur les origines et l’avenir, les racines et l’appartenance. C’est aussi un temps de métamorphose. Une maison là-bas ou la famille ? Quel accueil quand on va et vient ? Élisabeth Leuvrey promène sa caméra dans tous les recoins de cette embarcation ivre des questions qui agitent les immigrés en transit. Ce ne sont pas les rituels de départ et d’arrivée qui l’intéressent, ni l’espace-temps réel d’une traversée effective, car elle en filme plusieurs.

Le bateau quitte la France pour Alger, mais une voix annonce une arrivée imminente à Marseille. C’est dès lors comme si le navire était pris dans un nuage magnétique. Les compas s’affolent, les radars aussi. Hommes sous l’escalier, couple dans le café, familles allongées dans les couloirs, couchettes seconde et première, terrasses latérales ou sur le pont… La caméra glane des bribes de témoignages mais jamais ne débarque. Elle reste à bord, bienveillante mais frustrante, car tous ces morceaux de vie, fruits d’un beau projet mais comme privés de cap, se perdent un peu dans le vent, ou dans le sillage.

Cinéma
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