Le défi lancé à Hollande

L’affaire Cahuzac mobilise le Front de gauche, qui appelle à une « grande marche citoyenne pour la VIe République » le 5 mai.

Michel Soudais  • 11 avril 2013 abonné·es

Réagir, reprendre l’initiative. Face à l’ébranlement politique suscité par l’aveu de Jérôme Cahuzac et le « système oligarchique » qu’il révèle, le Front de gauche appelle, dans un communiqué rendu public dans la soirée du vendredi 5 avril, « toutes les forces de gauche et les personnes qui ont voulu le changement en mai dernier et plus largement au peuple, à une grande marche citoyenne contre la finance et l’austérité, pour la VIe République, le 5 mai à Paris ».

Invités à partager la tribune du deuxième congrès de Gauche unitaire (GU), composante fondatrice du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent ont eu la même expression : « Nous ne pouvons pas rester l’arme au pied. » De quoi relativiser les « fissures » qui mineraient, paraît-il, le Front de gauche. L’idée de cette « marche citoyenne pour la VIe République » a été lancée par Jean-Luc Mélenchon, dans la matinale de France Info, vendredi. Le coprésident du Parti de gauche (PG) y invitait « le peuple [à s’emparer] par une constituante du grand coup de balai qu’il faut donner pour purifier cette atmosphère politique absolument insupportable ». Cette annonce en solo a irrité quelques-uns de ses partenaires. « On aurait préféré que le 5 mai soit d’emblée préparé collectivement », a ainsi regretté Pierre Cours-Salies, au nom de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), à la tribune du congrès de GU, tout en appuyant l’appel collectif du Front de gauche décidé dans la foulée. « Quoi qu’on pense de l’annonce de Jean-Luc Mélenchon, l’initiative nous paraît absolument indispensable », abondait également le représentant des Alternatifs, Henri Mermé.

Plus que l’initiative personnelle, ce sont les mots employés par Jean-Luc Mélenchon qui ont heurté l’allié communiste. Interrogé à chaud par Libération, Pierre Laurent affirmait préférer demander « un grand coup de braquet du gouvernement vers la gauche » (sic) plutôt qu’un « coup de balai ». Ce « n’est ni la bonne expression ni la bonne orientation, a-t-il expliqué dans son intervention au congrès de GU dimanche. Le message que nous devons envoyer est celui d’un message de fond sur le programme du gouvernement et pas quelque chose qui peut être mal interprété ». D’accord pour « parler cru et dru », Christian Picquet, porte-parole de GU, jugeait également que l’expression « durcit le ton jusqu’à brouiller la perspective politique ». Quelques minutes auparavant, Jean-Luc Mélenchon avait refusé d’en faire « une question doctrinale »  : « Si vous préférez un autre instrument… Patrick Le Hyaric [directeur du journal l’Humanité, NDLR] a dit “il faut aérer”, eh bien aérons, cela nous fera un aérateur. » Lundi matin, le communiste André Chassaigne revenait à la charge au micro de France Inter. Le président du groupe des députés du Front de gauche y accusait Jean-Luc Mélenchon d’abuser « de mots outranciers et  [d’] une forme de politique spectacle » pour faire passer des idées « complètement légitimes ». « À long terme, ce n’est pas la solution », lançait-il, en mettant des conditions à sa participation à la manifestation du 5 mai : « Si elle porte véritablement des solutions  […] politiques. Si elle sert à rassembler, pas à cliver. » Pour la direction du PCF, c’est bien l’objectif de l’appel du Front de gauche, auquel plusieurs personnalités extérieures ont déjà répondu favorablement, notamment Eva Joly, au grand dam de la direction d’Europe Écologie-Les Verts.

Lors d’une conférence de presse, convoquée à l’issue d’une réunion exceptionnelle de son comité exécutif lundi après-midi, Pierre Laurent a précisé les raisons de cette manifestation en des termes très durs pour le gouvernement. Jugeant l’heure « grave pour la France », le secrétaire national du PCF réclame « un nouveau contrat politique pour le pays autour  […] d’un programme de lutte contre la domination de la finance » et d’ « une refondation démocratique de nos institutions par un processus constituant ». Le numéro un communiste estime en effet que « la politique de François Hollande et du gouvernement Ayrault », qui « amplifie la crise au lieu de la combattre », « n’a plus la confiance des Français ». Et assigne pour objectif à la préparation de la manifestation du 5   mai d’ « exiger un changement de cap ». Comme dans un défi lancé à François Hollande, un an après son accession à l’Élysée.

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