Main basse sur le vivant
En dépit des promesses, le gouvernement s’apprête à appliquer une loi de la droite sur le brevetage des semences.
dans l’hebdo N° 1247 Acheter ce numéro
Depuis des années, les multinationales agro-industrielles françaises, allemandes ou américaines se battent, par lobbies et partis politiques interposés, pour obtenir le contrôle parfait des semences qu’elles vendent aux agriculteurs et, dans une moindre mesure, aux jardiniers amateurs. Cela passe d’abord par la fourniture d’hybrides dites F1, dont les graines, lorsqu’elles sont de nouveau semées, ne peuvent pas reproduire à l’identique la plante d’origine. La seconde méthode, plus radicale, consiste à faire interdire l’utilisation de semences récoltées en les protégeant par un brevet qui induit le versement d’une sorte de « droit d’auteur », y compris s’il s’agit d’une utilisation non commerciale.
Au mois de décembre 2011, la majorité de Nicolas Sarkozy a adopté une proposition de loi confortant ce brevetage du vivant. Le texte sanctionne la réutilisation par un paysan, voire par un jardinier amateur, des graines récoltées sur une exploitation ou dans un potager si elles font l’objet d’une protection commerciale. La loi avait été proposée par Christian Demuynck, alors sénateur UMP de la Seine-Saint-Denis et membre de la Commission des affaires… culturelles du Sénat. Pendant la campagne électorale, le Parti socialiste, qui s’était opposé à la loi, et le candidat François Hollande avaient promis d’abroger ce texte. Or, non seulement aucune procédure d’annulation de la loi n’a été menée à bien, mais les pressions du Groupement national interprofessionnel des semences (Gnis) semblent avoir abouti à un résultat inverse. Cet organisme, qui regroupe la plupart des semenciers français ou ceux opérant en France, lesquels réalisent un chiffre d’affaires annuel de près de 2 milliards d’euros, a obtenu que son ministère de tutelle prépare des décrets d’application de la loi. Ceux-ci devraient voir le jour d’ici quelques mois, en dépit des dissensions qui agitent le ministère de l’Agriculture. Et malgré les protestations de la Confédération paysanne, des écologistes et d’associations de préservation de la biodiversité agricole comme Kokopelli. Laquelle a déjà dû, à plusieurs reprises, affronter le Gnis devant les tribunaux.