Retour vers le futur
dans l’hebdo N° 1247 Acheter ce numéro
Mon cher vieux Rooster , Dear old chap, comme dit Nelson Monfort [^2], ça fait un petit moment que je n’ai plus eu de tes nouvelles : j’espère que tu vas bien et que chez toi, Namérique, les effets de la crise s’atténuent un peu. Ici, du côté vieux-continental de l’Atlantique : non. Ici : tout le truc devient franchement pénible. Depuis le début de l’année (je suppose que c’est en vérité plus vieux que ça, mais disons que là ça devient si voyant que même la presse comme il faut donne l’impression qu’elle est sur le point de s’en rendre compte), une excitation malsaine s’est emparée de la droite souchesque, et c’est, comme tu devines, tout à fait horrible à voir. (Et à entendre.)
L’autre jour, elle a encore défilé dans les rues de Paris en légions relativement serrées : elle n’était bien évidemment pas (du tout) « huit milliards », comme ses chefs l’ont ensuite prétendu – mais ses manifestant(e)s étaient tout de même beaucoup plus nombreux qu’on ne l’aurait souhaité à pousser de glaçants hurlements. C’était laid, crois-m’en, mais il est vrai aussi que ces gens donnent très fort l’impression d’avoir l’esprit facilement malléable, et que, profitant éhontément de cette visible carence, d’aucun(e) s s’appliquent, dans la sous-cléricature médiatique des prêcheurs de haine, à jeter des mots huileux sur la braise de leurs phobies : tu sais comme moi qu’il y a toujours eu dans les crises – l’histoire nous l’enseigne – de ces prédicateurs hallucinés qui noient le chagrin né du constat que jamais le talent n’est venu les visiter dans un radicalisme exponentiel. L’autre jour, et pour ne te donner qu’un seul exemple, mais des plus édifiants, un exalté billettiste, spécialisé dans la réécriture de la réalité selon des plans mieux adaptés à ses obsessions, a encore appelé au « réveil du peuple de droite » – exactement comme si la Réaction ne venait pas de se maintenir aux affaires pendant plus d’années que tu n’en pourrais compter sur les doigts de votre (amusant) Mickey Mouse : c’est au point que, s’il n’était si continuellement hargneux, ce gars serait tout à fait rigolo.
Mardi prochain – le 6 –, cette inquiétante légion (où le Versaillisme néoclassique fait désormais cortège commun avec les fafferies groupusculaires), chauffée à blanc par ses petit(e) s chef(fe)s et leur presse d’accompagnement, veut encore manifester – et brailler, en même temps que ses dégueulasses aversions, sa détestation du système électoral qui l’a temporairement privée du contrôle du pays. Et je suppose que la maréchaussée saura, s’il faut, contenir ses vociférants débordements – comme elle a déjà fait la dernière fois –, mais quand même, je suis impatient qu’on puisse passer à autre chose, parce que là, nous sommes le 1er février, et vu l’ambiance, depuis son début, je commence à me demander si cette année 1934 ne va pas être complètement pourrie.
[^2]: Oui, mon bon : j’ai parié (avec moi-même) que je glisserais dans ces lignes le nom de Nelson Monfort – et j’ai gagné.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.