Russie : Poutine accentue la répression

De nouvelles lois visent les associations de défense des droits de l’homme, la presse et les leaders de l’opposition.

Claude-Marie Vadrot  • 18 avril 2013 abonné·es

Vladimir Poutine et son entourage ont décidé d’orienter la Russie vers une « démocratie populaire » à la chinoise. Ce choix implique une liberté d’entreprise surveillée au profit des grandes fortunes des oligarques affiliés au pouvoir et une opinion publique encore plus étroitement contrôlée. Cette option vient d’être illustrée par la mise en pratique d’une loi votée en novembre dernier, loi considérant que toutes les associations russes liées d’une façon quelconque à un autre pays, ou affiliées à un groupe international, seront considérées a priori comme « agent de l’étranger », et devront se dénoncer comme telles.

Depuis la fin du mois de mars, une bonne centaine d’associations font l’objet d’une « vérification approfondie » par des enquêteurs du parquet, du ministère de la Justice et du ministère des Finances. De véritables perquisitions qui se traduisent par des saisies de documents concernant la comptabilité ou les activités des membres, et un examen des ordinateurs et des correspondances. Les grandes associations ayant pignon sur rue à Moscou sont les premières visées, à commencer par celles qui se consacrent à la protection des droits de l’homme. Les organisations de province, plus fragiles, sont également concernées et les perquisitions s’y accompagnent souvent de brutalités et de saisies de matériel qui paralysent leur fonctionnement. Surtout si elles refusent de se présenter comme « agents de l’étranger ». C’est par exemple le cas de Mémorial, fondée au moment de la fin de l’Union soviétique, et dont l’un des objets est de faire la lumière sur les atteintes aux droits de l’homme mais surtout sur les crimes du stalinisme. Cette association est plus particulièrement en butte aux attaques du pouvoir parce que depuis le début des années 2000 elle dénonce vigoureusement les crimes commis en Tchétchénie et manifeste son opposition à la dictature de Ramzam Kadyrov, le président de 37 ans installé par Poutine à la tête de cette république et « ami » de Gérard Depardieu. Human Right Watch, Transparency International et la section russe d’Amnesty International font également l’objet de tracasseries qui les désignent à la vindicte d’une partie de l’opinion publique.

Dans la région de Moscou, mais également dans les Républiques autonomes et les Oblasts (Région), les groupes qui se préoccupent de la protection de la nature, des aménagements calamiteux ou des pollutions font l’objet d’une répression administrative. Leur situation est d’autant plus difficile que les représentants du Kremlin dans les provinces contrôlent de plus en plus étroitement la presse. Laquelle présente les écologistes – vieille habitude communiste – comme des « ennemis du peuple » opposés au progrès et au développement. Quand cela ne suffit pas, une nouvelle loi adoptée en janvier pour réprimer l’homosexualité permet d’incriminer ceux qui sont simplement « soupçonnés » d’être homosexuels ou bien qui prennent le risque de s’afficher comme gay. C’est le cas du journaliste moscovite Anton Krassovsky qui vient d’avoir le courage, sur Kontr TV, petite chaîne pourtant bien peu regardée, de se proclamer homo en ajoutant qu’après tout il était un homme comme les autres et en tout pareil au Président russe. Il a été viré et, pour éviter les poursuites, envisage de se réfugier à l’étranger.

Le contrôle renforcé depuis la fin de 2012 de la presse écrite et télévisée au niveau national pèse sur une opposition, essentiellement moscovite, déjà très désorganisée. Ainsi, l’avocat Alexeï Navalny, le blogueur qui fait figure de chef de l’opposition, doit passer en jugement à partir du 17 avril sous l’accusation de détournement de fonds. Il lui est surtout reproché par le Kremlin d’avoir qualifié le parti Russie unie, qui soutient Vladimir Poutine, de « parti des voleurs et des escrocs » et d’en avoir fait un slogan. Il risque une condamnation à dix ans de camp à régime sévère, mais ne trouve guère de défenseurs dans la presse. Et son site, sur lequel il dénonce la corruption des élus et des responsables administratifs, est menacé de disparaître.

Monde
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