« The Act of Killing », de Joshua Oppenheimer : Le spectacle du crime
Un film formellement discutable sur un massacre en Indonésie, en 1965.
dans l’hebdo N° 1248 Acheter ce numéro
Ça fait partie des événements tragiques gavant les archives de l’histoire : en 1965, le gouvernement indonésien était renversé par la junte militaire. S’enclenchait alors une chasse à tout opposant à la dictature, supposé être communiste, membre d’un syndicat fermier, intellectuel, issu d’une ethnie chinoise. En moins d’un an, un million de personnes dites « communistes » ont été exécutées par des gangsters et des paramilitaires. Grassement payés. Toujours au pouvoir. Portant bien et beau. Et qui racontent fièrement leurs crimes devant la caméra de Joshua Oppenheimer. Jusqu’à mimer, rejouer les scènes de meurtres, cruelles et sadiques, à la demande du réalisateur.
Pas de commentaires, sinon des bancs-titres pour présenter des protagonistes sanguinaires, fascinés par l’image, notamment par le cinéma américain, mués en acteurs de leur cruauté. Pas de distance non plus (loin d’un Rithy Panh) devant un dispositif formel curieux, nauséeux, qui n’amuse que les bourreaux, aux aguets de leur interprétation. La caméra se faisant presque complice de scènes recréées, parfois deux fois, avec ses artifices, entre costumes, décors et maquillage pour faire du « véridique », inscrivant le documentaire dans un presque virage gore. Des bourreaux galvanisés par la représentation, si peu traversés par le remords, la question des droits de l’homme, une quelconque responsabilité, sinon à la toute fin, quand l’un des chefs paramilitaires dégueule littéralement le souvenir de ses exactions. Fallait-il en passer par-là pour raconter un génocide ?