De gauche, mais de droite
Vu qu’on vit plus vieux, mâme Dupont, c’est bien normal qu’on travaille plus longtemps, non ?
dans l’hebdo N° 1253 Acheter ce numéro
Le mois prochain, j’espère que t’as noté ça dans ton agenda, y a « conférence sociale » chez Matignon, aux bons soins de M. Ayrault (qui est au socialisme, mais en beaucoup moins pétillant, ce que le Canada Dry est au Laphroaig Triple Wood – lequel est un whisky tellement tourbé qu’il est vivement recommandé de le boire à la fourchette). Cette conférence est la deuxième du nom depuis l’élection, l’an dernier, de Françoizollande – de sorte que nous savons un peu ce que sont ces happenings et que nous pouvons sans trop exagérer considérer que leur appellation est d’une stricte orthodoxie orwellienne, puisqu’elles sont en réalité le prélude à l’adoption de mesures antisalarié(e)s exceptionnellement répugnantes : de celles, tu sais, qui permettent depuis trente ans de vérifier que des « socialistes » sont « aux affaires » (comme on dit dans la presse comme il faut).
Immédiatement après celle de l’été 2012, par exemple, ces tristissimes sires ont, en vrac, procédé au déversement de 20 (vingt) milliards d’euros dans les poches des patrons françousques ; puis au lâchage des prolétaires de Florange (les mêmes vers qui Françoizollande avait dans sa campagne lancé la promesse qu’il ne les abandonnerait jamais) ; puis à la forgerie du projet de loi relatif à la « sécurisation professionnelle » – l’ANI –, dont la fin, particulièrement scélérate, est, contrairement à ce que suggère (là encore) sa dénomination, d’assurer le patronat que ses esclaves salarié(e)s se tiendront coi(te)s sous son martinet ; et caetera, et caetera, et caetera. Et, cette fois-ci, c’est – principalement – la « réforme des retraites » qui a été mise à l’ordre du jour, car tout l’enjeu de la conférence du mois prochain est, comme toujours en de telles situations (où la droite et les « socialistes » rivalisent dans la cautèle), de faire passer dans l’opinion l’idée, chère à l’excellent M. Emmanuelli, que vu qu’on vit plus vieux, mâme Dupont, c’est bien normal qu’on travaille plus longtemps, non ? (Ainsi sera fait, sois-en certain[e], sous les hourras des rentiers de l’éditocratie, dont les imprécations capitalistes se font toujours plus féroces.)
Dans l’intervalle, les « socialistes » ont pris soin de faire valoir – par le moyen d’alambiquées manipulations dont M. Brun t’a, si je me rappelle bien, dit dans ces pages les graisseux rouages – que les syndicats qui osaient encore aller contre leur caporalisme néolibéral n’étaient pas du tout représentatifs (et qu’il convenait par conséquent de rallier dans la joie le panache jaune des centrales « réformistes »). Après quoi, et comme pour mieux dire – au mépris des lois protégeant la petite enfance contre la prédation – son rêve fou d’un pays sans citoyen(ne)s capables de penser par eux-mêmes, Françoizollande a proclamé qu’il allait faire distribuer aux écoles, aussi tôt que possible, des cours d’« entrepreneuriat ». Ne te laisse donc pas prendre aux feuilletons à la con que te vendent les médias dominants qui te narrent journalièrement les aventures de M. Copé : dans la vraie vie, la droite antisociale est déjà au gouvernement.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.