Florange : Coup de com’ sur le dos des ouvriers

À la veille du 1er Mai, les députés socialistes ont opportuné ment dévoilé une proposition de loi sur la reprise des sites rentables. Candidat, Hollande en avait déjà déposé une.

Michel Soudais  • 9 mai 2013 abonné·es

L’orchestration était parfaite. Trop, peut-être. Mardi 30 avril, les radios annoncent dans leurs journaux matinaux le dépôt par les députés socialistes d’une « loi Florange » sur la reprise des sites rentables. Dans le journal de 13 heures de France Inter, la journaliste va même jusqu’à affirmer que « l’Assemblée nationale commence  [ce jour-là] à examiner » cette loi. Évidemment, il n’en est rien. Entre le dépôt d’un texte et son examen en séance, il faut compter un mois. Au moins. Les travaux parlementaires, suspendus pour cause de vacances depuis le 26 avril, ne reprendront que le 14 mai. La nature comme le contenu du texte incitent également à davantage de circonspection.

Le texte, dont la teneur a été dévoilée au matin du 30 avril dans les Échos, n’est pas un projet de loi (présenté par le gouvernement) mais une proposition de loi (d’origine parlementaire). Même si celle-ci a été préparée par trois députés socialistes en cour, dont le président de la commission des Affaires économiques, François Brottes, « en liaison étroite avec les cabinets de Michel Sapin, Arnaud Montebourg, Christine Taubira, ainsi que Matignon et l’Élysée », précise le quotidien économique, la prudence requiert d’attendre au moins que le gouvernement ait donné son feu vert à l’adoption de cette proposition de loi. En espérant qu’il ne change pas d’avis ensuite, comme on l’a vu avec la proposition de loi d’amnistie sociale ( Politis n° 1251). L’objet de la proposition de loi socialiste vise à imposer au responsable d’entreprise voulant se séparer d’un site l’obligation d’en informer les salariés, puis de « rechercher un repreneur » dans les trois mois, sous peine d’être sanctionné financièrement par la justice commerciale. Elle s’appliquera aux groupes « de plus de 1 000   salariés souhaitant fermer l’un de leurs établissements », qui seront tenus à une « obligation de moyens ». Le dirigeant d’entreprise devra ainsi « apporter une réponse motivée à chacune des offres reçues » et en informer le comité d’entreprise, qui pourra « saisir le président du tribunal de commerce ». À charge pour ce dernier de vérifier « que l’effort de recherche d’un repreneur a bel et bien été fourni » et de juger « si l’employeur a refusé des offres de reprise crédible ». Dans ce cas, le tribunal de commerce pourra condamner l’entreprise à « une pénalité » d’un montant maximum de 20 fois la valeur mensuelle du Smic par emploi supprimé, soit un peu plus de 28 000 euros. « L’idée, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de restructuration alors qu’il y a un outil industriel en bonne santé », décode Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes. Mais les syndicalistes doutent. Plusieurs d’entre eux ont bien noté que le texte ne fait pas obligation aux entreprises de céder leur usine à un repreneur ; il se contente de susciter un dialogue social. Quant à l’ « amende », elle apparaît peu dissuasive à Xavier Mathieu. Le leader des Continental de Clairoix rappelle que, pour fermer son usine, la multinationale du pneu « a mis 200 000 à 250 000 euros par personne ». Et ces 28 000 euros « n’iront pas aux employés ». Plus que l’efficacité du dispositif, c’est le moment choisi pour la rendre publique qui rend cette proposition de loi suspecte. À la veille de la Fête du travail, en pleines vacances parlementaires, et à quelques jours de la marche citoyenne du Front de gauche, Bruno Le Roux n’a pas caché avoir voulu « donner un signe aux salariés qui aujourd’hui ont peur ».

Ce signe, François Hollande l’avait déjà donné le 24 février 2012. Ce jour-là, pour contrer Nicolas Sarkozy, qui devait annoncer une solution de sauvetage aux salariés de Petroplus, le candidat du PS s’était précipité à Florange [^2]. Là, hissé sur une camionnette aux côtés des syndicalistes, il avait promis une loi pour « obliger » les entrepreneurs à trouver un repreneur. Et déposé dans la foulée une proposition de loi, cosignée par Jean-Marc Ayrault et tous les députés du groupe PS. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait voter lors de la session extraordinaire de juillet ? Le texte existait, c’était même un argument de campagne. Et il y avait urgence : « 900 usines ont fermé au cours des trois dernières années », lisait-on dans l’exposé des motifs. Un an plus tard, la proposition de loi du PS en comptabilise… un millier.

[^2]: Lire l’excellente enquête de Valérie Astruc et d’Elsa Freyssenet, Florange, la tragédie de la gauche , Plon, 244 p., 16,90 euros.

Politique
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