Hollande rassemble… contre sa politique

Unis pour demander un changement de cap politique du gouvernement, sympathisants du Front de gauche, d’EELV ou du NPA ont marché ensemble dimanche. Malgré quelques divergences.

Michel Soudais  et  Olivier Doubre  et  Valérie Tournelle  et  Marion Genevois  • 9 mai 2013 abonné·es

Ils sont venus de toutes les régions de France. Fêter l’anniversaire de l’élection de François Hollande à l’Élysée. En slogans et sur de très nombreuses pancartes. Celles distribuées par le PCF appellent à prendre le pouvoir et revisitent le slogan de campagne de François Hollande en y ajoutant des revendications : « Le contrôle des banques, c’est maintenant ! », « le droit au logement, c’est maintenant ! », « l’égalité hommes-femmes… », « l’augmentation des salaires… », « la VIe République… », etc. Beaucoup sont personnelles. De facture artisanale, elles disent les motivations des manifestants qui les ont confectionnées. L’un invite le président à « passer à la VIe », un autre lui réclame « l’amnistie tout de suite », un autre encore souhaite la « séparation du Medef et de l’État ». Ici, un père veut « préserver l’avenir » de son garçon qui l’accompagne, là une femme brandit haut sa colère d’une « France corrompue », plus loin un quinquagénaire demande à « Hollandréou » de virer « à gauche toute »

Cette injonction pourrait résumer la tonalité d’un cortège bon enfant, aussi dense que coloré, où des syndicalistes en lutte (Fralib, Pipa, ArcelorMittal, Sodimedical, Carrefour, Prestalis, Air France, Sanofi…) sont venus rappeler leurs revendications. Un cortège très Front de gauche, que sont venus rejoindre quelques socialistes encartés, simples militants de base déçus, avec le NPA en queue de peloton. Mais la « nouveauté » du jour, c’est l’engagement d’une centaine d’écologistes d’EELV, et notamment d’Eva Joly. Parmi eux, Sergio Coronado, député des Français de l’étranger (Amérique latine), a voulu « être présent face à la politique d’austérité que le gouvernement actuel est en train de mettre en place, calquée sur celle de l’Allemagne d’Angela Merkel et de la Commission européenne ». « C’est cela, le sujet de fond, explique-t-il, et il commence même à être débattu au sein du Parti socialiste, si j’en crois les récentes déclarations de Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, s’opposant au délai de deux ans supplémentaires accordés à la France pour ne pas dépasser les 3 % de déficit budgétaire. » Bien qu’EELV n’ait pas souhaité appeler à cette manifestation, Sergio Coronado estime que « c’est [sa] place, comme militant de gauche, de soutenir cette initiative  ». Et nous déclare s’étonner « de la violence des attaques à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon concernant son expression du “coup de balai” ». Quand Ségolène Royal « l’a employée la première, il y a quelques années, note-t-il, cela n’avait alors pas créé de tels remous… » L’expression est contestée jusque dans les rangs du Front de gauche, notamment par Clémentine Autain (Fase) ou le communiste Pierre Laurent, qui affirmait dimanche « préférer la truelle pour construire ». Leurs réserves publiques n’ont pas dissuadé de nombreux manifestants, dont certains se disent membres du PCF, de venir marcher avec un balai. Il y en a de toutes les couleurs, des balais de ménage, des balais brosse, des balais en paille et même un balai serpillière…

Également présent, Patrick Farbiaz, membre du conseil national d’EELV, « ne partage pas le coup du balai ». « Ce n’est pas un slogan conforme à la période », abonde Évelyne Sire-Marin. Coprésidente de la Fondation Copernic, elle craint que cela vise à « mettre par terre tout ce qui existe » quand il faut plutôt, selon elle, « reconstruire dans le prolongement de l’histoire de France avec une vraie participation citoyenne et démocratique ». Magistrate, elle avait pensé qu’avec l’élection de François Hollande « la justice changerait », que l’on reverrait « le nombre de personnes emprisonnées », que la justice serait moins « expéditive », que « les infractions économiques et financières seraient poursuivies ». Elle manifeste pour réclamer « une vraie politique socialiste », « favorable au peuple », qui permette aux « gens qui ont élu ce gouvernement d’avoir du travail et de vivre de façon convenable ». C’est la raison pour laquelle elle a souhaité participer à la manifestation malgré quelques réticences au discours de Jean Luc Mélenchon. Des réticences, Jérôme Gleizes, économiste et membre de la direction nationale d’EELV, en a également. « On n’a pas la même vision de la VIe République », cite-t-il en opposant la « vision centrée sur un chef » qu’aurait le coprésident du PG au « vrai régime parlementaire » souhaité par son parti. Ou son « fédéralisme » au jacobinisme de Mélenchon. « Mais ce n’est pas la question la plus importante », précise-t-il en insistant sur la nécessité d’un « changement de politique du gouvernement qui ne pourra pas se faire sans le Front de gauche, ni sans les gens du PS ».

Après deux heures de marche à porter une banderole « les écologistes contre l’austérité et pour la VIe République », derrière laquelle s’étaient regroupés les drapeaux verts, applaudis sur le parcours, Jérôme Gleizes ne regrettait nullement sa participation. « Il y a trois semaines, je ne souhaitais pas y participer », nous confie-t-il. Le fait que le gouvernement réunisse à la veille du 1er mai des chefs d’entreprise pour annoncer, entre autres choses, « la suppression du fichier à la Banque de France des dirigeants qui ont fait faillite » a été la goutte de trop. Après le « refus de l’amnistie sociale, l’ANI, l’accord de compétitivité, le TSCG », cités par Patrick Fabiaz, qui y ajoutait l’absence d’ « avancées, le surplace, voire les reculs » sur les dossiers écologiques « comme Notre-Dame-des-Landes, le nucléaire ou la transition énergétique », les écologistes avaient assez de raisons de manifester. Non « contre le PS ou le gouvernement », tient à préciser encore Jérôme Gleizes, mais « pour qu’il change de cap ». Bien qu’il dénonce les « illusions du Front de gauche », dont la « candidature » de son chef de file à Matignon, Philippe Poutou affichait une mine réjouie en fin de manif. « Cela fait du bien de se retrouver, ça va forcément nous filer la pêche», confiait l’ex-candidat du NPA, convaincu que « l’intérêt des manifs est de rappeler que la population doit prendre ses affaires en mains ».

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