Le requin mis au ban

Après l’attaque mortelle d’un surfeur à La Réunion, la préfecture choisit d’étendre la chasse au squale.

Valérie Tournelle  • 23 mai 2013 abonné·es

renforcer les « prélèvements » de requins : c’est ce qu’a décidé le préfet de La Réunion, Jean-Luc Marx, lors d’une réunion avec le Comité opérationnel réunionnais de réduction de risque requin (CO4R). Motif : l’attaque mortelle d’un surfeur à Saint-Gilles, le 8 mai. La quatrième sur l’île depuis deux ans. Le préfet indique vouloir mettre en œuvre « une pratique raisonnée et réfléchie de régulation de la population des requins ». S’appuyant sur les travaux de l’Institut de recherche et de développement de La Réunion (IRD), il avance l’argument d’un « probable déséquilibre de l’écosystème du côtier ouest ». Depuis octobre 2011, le programme Charc de l’IRD permet d’étudier les caractéristiques et les zones d’habitat des requins. Cette expérience s’inscrit dans la perspective de gestion durable des écosystèmes. Or l’IRD, dont le projet court sur trente mois, n’a pas encore rendu ses conclusions. L’association écologiste Sea Shepherd s’étonne, dans un courrier adressé au préfet, que « l’État renforce les mesures de pêche, et donc d’atteinte à la population de requins, sur la base d’un probable dérèglement, sans en apporter les preuves irréfutables ». Par ailleurs, le 17 mai, elle a déposé avec deux autres associations (l’Aspas et Longitude 181) un recours contre l’arrêté du maire de Saint-Leu, Thierry Robert, organisant une campagne de pêche aux requins sur sa commune.

Le moyen utilisé pour accroître les captures serait l’installation de drum lines. Réclamées par les associations de surfeurs, préconisées par la députée-maire de Saint-Paul, Huguette Bello, ces palangres sont censées sécuriser les zones de baignade. Une technique très critiquée par les associations écologistes. Pour Sea Shepherd, elle « est incompatible avec la gestion raisonnée de la problématique requin ». Excepté en cas de preuve scientifique de surpopulation, ce qui ne semble pas être le cas à La Réunion. Si le président de la Fédération française de surf a adopté une position franchement hostile aux requins et met en cause, dans leur prétendue surpopulation, la création en 2007 de la Réserve nationale marine de La Réunion, d’autres surfeurs et usagers de la mer s’en démarquent radicalement. Ils avancent d’autres raisons possibles pour les attaques de squales, notamment la surpêche en haute mer, qui les conduirait à se rapprocher des côtes pour se nourrir, mais aussi la pollution des eaux, qui, lorsqu’elles sont troubles, favorisent les attaques. L’État, de son côté, a décidé de mener une « étude comportementale des usagers de la mer pour optimiser les outils d’information et de prévention du risque au bénéfice des Réunionnais et des touristes ». N’y aurait-il pas, en effet, des mesures plus efficaces que la « régulation nécessaire » prônée par la préfecture pour que surfeurs et requins se partagent la mer sans danger pour les uns et les autres ?

Écologie
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