Pascal Canfin : « Tirer la mondialisation vers le haut »
Le ministre délégué chargé du Développement, Pascal Canfin, nous a adressé son bilan personnel d’une année d’exercice, sous le titre Mai 2012-mai 2013 : un an de changement(s) pour le Développement. Extraits.
dans l’hebdo N° 1252 Acheter ce numéro
Rénover la politique de développement
En un an, qu’est ce qui a changé au ministère du Développement ? Le nom d’abord. Le ministère de la Coopération, avec tout ce qu’il pouvait véhiculer, n’existe plus. […] Entre la France et les pays africains, il n’y a plus de relations obligées, et c’est une bonne nouvelle. […] Les Assises du développement et de la solidarité internationale se sont tenues entre novembre 2012 et mars 2013. […] Elles ont permis de définir les axes de rénovation de la politique de développement avec les parlementaires, les élus locaux, les ONG, les entreprises, les fondations, les organismes de recherche, les syndicats, les partenaires du Sud… Le président de la République y a annoncé la présentation à l’automne 2013 d’une loi d’orientation et de programmation sur le développement. Ce texte […] permettra d’en finir avec le caractère discrétionnaire de cette politique et d’acter au niveau législatif sa modernisation. […] Depuis la dissolution, en 2008, du Haut Conseil de la coopération internationale (HCCI), aucune instance de concertation formelle ne réunissait plus l’ensemble des actrices et des acteurs du développement. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale viendra répondre à ce besoin et permettra à la société civile de prendre toute sa place. En 2013, le budget consacré à l’aide publique au développement a pu être préservé grâce à l’affectation de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières au développement. Alors que le précédent gouvernement avait entièrement affecté le produit de cette taxe à la réduction des déficits, nous avons décidé d’en consacrer une partie au développement. […] L’Agence française de développement (AFD), qui est l’opérateur pivot de notre aide publique au développement […] utilisera dorénavant les listes dressées par la Banque mondiale pour exclure de ses marchés les entreprises impliquées dans des cas de corruption. Concernant les paradis fiscaux, l’agence s’interdit de travailler avec des entités localisées dans des juridictions non coopératives. […] Dans de nombreux pays du Sud, les droits des femmes et des minorités sexuelles sont souvent en risque ou à conquérir. Notre aide publique contribue à soutenir les acteurs […] qui militent pour ces droits. […]
Préserver la planète
Au XXIe siècle, nous ne pouvons pas faire reculer la pauvreté durablement si nous n’adoptons pas des modèles de développement soutenables sur le plan environnemental. […] Les 6 milliards d’euros d’investissements consacrés au secteur de l’énergie dans les trois prochaines années auront désormais deux priorités : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. […] L’AFD a également décidé en avril 2013 […] de ne plus financer de projets OGM ni des investissements agricoles qui ne respecteraient pas les principes de la FAO contre l’accaparement des terres. […]. Le respect des communautés locales, de la biodiversité ou encore de conditions de travail décentes représente autant d’impératifs pour garantir les effets positifs d’un projet de développement. L’Agence devra intégrer des clauses de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans la passation de ses marchés. […]
Agir au-delà de l’aide publique
L’aide publique au développement ne peut atteindre ses objectifs si, dans le même temps, les grandes régulations mondiales ne participent pas également à créer les conditions du développement. Je veux ainsi contribuer à tirer la mondialisation vers le haut. Les flux financiers qui sortent des pays du Sud en passant notamment par les paradis fiscaux, empêchant ainsi les États de collecter des impôts, représentent des montants 10 fois supérieurs à celui de l’Aide publique au développement. Avec Pierre Moscovici, nous avons défendu la directive européenne qui imposera aux industries extractives de déclarer pays par pays et projet par projet les revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles versés aux États. […] La France est le premier pays à soutenir financièrement le nouveau fonds de la Banque mondiale qui permettra aux États africains de faire financer des journées d’avocats et de fiscalistes pour mieux négocier les contrats face aux grandes entreprises. Et elle contribue, avec la Norvège, au financement de l’étude de faisabilité de l’initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières » […]. La France a soutenu un report à 2016 de la date butoir des accords de partenariats économiques (APE), ces accords commerciaux qui incitent les États africains à ouvrir leurs marchés aux entreprises européennes, afin de les rendre plus favorables aux pays africains. Malheureusement, le Parlement européen et le Conseil se sont mis d’accord sur un report à octobre 2014. Le précédent gouvernement avait déplacé une partie du budget alloué au développement du Quai d’Orsay vers le ministère de l’Intérieur pour pouvoir négocier le financement de projets en contrepartie à la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires. Ce lien a été supprimé […].
Gagner la paix au Mali par le développement
L’intervention française a permis de rétablir l’intégrité territoriale du pays, et le processus de sécurisation de l’ensemble du pays est en cours. Nous le savons, il n’y a pas de développement possible sans sécurité. Il n’y aura pas non plus de sécurité durable sans développement. La première des priorités était la reprise de notre aide bilatérale. J’étais à Bamako et à Mopti mi-février lors de la réouverture du bureau de l’AFD. Par ailleurs, avec l’Union européenne, nous avons coordonné la réponse aux besoins, dont le rétablissement des services publics de base, le financement du retour des réfugiés et des déplacés, etc. […] Enfin, nous mobilisons des collectivités locales et la société civile, ainsi que la diaspora malienne établie en France. […]
Réussir la conférence climat à Paris en 2015
Le président de la République a proposé d’accueillir la prochaine conférence de l’ONU sur le climat (COP) en 2015. […] Nous travaillons à une stratégie pour faire de Paris 2015 un succès. […] Avant l’été, nous réunirons pour la première fois le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Nous tiendrons également un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. À l’automne, le projet de loi d’orientation sur le développement sera présenté au conseil des ministres pour une discussion en début d’année prochaine au Parlement. […]