PSG : cinq supporters condamnés à des peines de prison
Après les violences du Trocadéro, 2 jeunes supporters ont été condamnés à des peines de prison ferme, mardi en comparution immédiate. Récit.
Après les nombreuses polémiques autour des incidents qui ont éclaté lors des festivités du PSG, lundi soir au Trocadéro, 12 des personnes interpellées étaient jugées en comparution immédiate devant 2 chambres du tribunal correctionnel de Paris. Les individus ont dû répondre notamment à des faits de violence envers les policiers et de dégradations volontaires commises le 13 mai 2013 à Paris.
Vers 16 heures hier, le premier détenu entre dans le box des accusés. Le jeune homme apparaît tête baissée, hébété, derrière la vitre qui le sépare du reste de la salle. Il est jugé aujourd’hui pour « violence envers des policiers par jet de projectile », annonce la juge Florence Schmidt-Pariset, d’une voix grave. « Sans doute pour participer aux festivités qui ont succédé à la victoire de PSG » , ajoute-t-elle, ironique. Arnaud, 21 ans, nie les faits. Ce jeune cuisinier dont le casier judiciaire est vierge était venu « célébrer la victoire du PSG » , place du Trocadéro. Il a par la suite rejoint les Champs-Élysées, où il a été interpellé vers 22 h 30 par des policiers pour jet de bouteilles en verre.
« Je n’ai rien jeté, je fumais une clope quand les policiers ont chargé dans ma direction, alors j’ai couru » , assure le jeune homme. Sur les bancs de l’accusation, les deux policiers portés partie civile évoquent leur version des faits : « Il était accompagné de deux de ses amis quand ils nous ont jeté des projectiles qui ne ne nous ont pas atteints. Ils ont ensuite pris la fuite, deux sont partis d’un côté, nous avons opté pour suivre Arnaud, qui était seul et donc plus facile à interpeller. » Les policiers l’avait « ciblé » , distingué par son « maillot bleu » , que le jeune homme porte encore sur les épaules. Un tee-shirt aux couleurs du PSG.
Sévères réquisitions
Loin du profil « d’ultra » ou de « banlieusard » évoqué dans les rangs de l’UMP et du FN, le jeune salarié, cuisinier depuis cinq ans pour la même entreprise, ne présente aucun antécédent judiciaire. Il vit actuellement chez sa mère avec sa petite sœur et n’est affilié à aucun groupe de supporters. Un fan de foot qui ne va plus au stade, mais « regarde les matchs à la télé » .
Un profil sans histoire et des témoignages de policiers jugés « flous » par son avocate commise d’office, Juliette Daudé. S’adressant à la cour, elle dit : « J’aimerais que vous soyez conscients de ce que vous jugez aujourd’hui, ce jeune homme va symboliser toutes les violences à l’encontre des biens et des policiers qui ont émaillé cette soirée. » Et reprend : « Vous dites avoir une description précise du suspect ? Un tee-shirt bleu du PSG, ils étaient des centaines à en porter, il n’y a aucun témoignage neutre dans cette affaire. »
Malgré la vibrante plaidoirie de la jeune avocate, le procureur requiert 6 mois d’emprisonnement ferme à l’encontre d’Arnaud. La mine déconfite, le jeune homme semble abasourdi par la lourdeur de la réquisition. Son avocate souligne : « Je suis effarée et très étonnée de la violence des débats qui entourent cette affaire. » Sortie d’Arnaud. Sur le banc où s’est installée la presse, un homme en costume gris, coupe soignée, opine du chef à l’énoncé des réquisitions du procureur. C’est le ministère de l’Intérieur qui l’envoie pour rendre compte du procès.
« Je venais profiter de la fête, pour la première fois
Dans le box, Raphaël s’installe à son tour. Les yeux rouges, une barbe de trois jours. Puis il voit son père et, à ses côtés, son amie pleurant discrètement.
« Alors, Monsieur P., vous êtes né en 1979 en Seine-et-Marne, et vous êtes ouvrier dans une usine de lessive, c’est bien ça ? Déjà condamné à 6 mois de sursis pour vol en réunion. » Aujourd’hui, Raphaël est accusé de « jet d’un projectile en plastique contenant un liquide transparent » , sans atteindre sa cible. Lui aussi nie les faits et ajoute : « Je traversais la rue quand ils se sont rués sur moi, m’ont insulté, menotté » , répond-il avec hargne.
À la barre des témoins, les policiers, trois en civil, un en uniforme. Le responsable du groupe atteste : « Sur le boulevard de Grenelle, c’était la confusion totale. Des poubelles en feu, des barrières de la ville renversées, des jets de pierres, de bouteilles, des insultes envers nos collègues en uniforme. Nous étions en civil, à 8 ou 9 mètres de distance. Et nous l’avons vu, lui, qui s’est baissé pour ramasser quelque chose. Quand, vers 22 h 15, ils se sont tous mis à courir, nous avons ciblé deux auteurs de jets de projectiles que nous avions clairement identifiés. »
Raphaël conteste, la juge le remet en place, puis il se tait. Du côté de la famille, on retient son souffle. Plus tard, pendant la délibération, son père dira : « Il ne supporte pas l’injustice, alors se voir accusé d’un acte qu’il n’a pas commis, ça le met en colère, il est un peu vif. » Au-delà de tous les faits énumérés par les parties, chacun présentant sa version contradictoire, c’est surtout qu’il ait résisté aux forces de l’ordre lors de son interpellation qui pose problème. « Je suis supporter du PSG, j’ai fait du football pendant douze ans et je venais simplement profiter de la fête, pour la première fois », lance enfin le jeune homme devant le tribunal.
À ce moment, le premier assesseur demande aux policiers : « Je ne mets pas en doute votre bonne foi, mais cela fait quand même cinq personnes que nous jugeons pour cette affaire, et tous nient les faits ! Se peut-il que, dans la confusion, vous ayez pu vous tromper d’agresseur ? » Consternation. « Non, c’était bien lui » , répond le policier, reprenant la description du suspect. La lassitude de la cour commence à se faire sentir. Après l’avocat de la partie civile, c’est le procureur qui prend la parole. Six mois de prison ferme. Raphaël ayant déjà été condamné avec sursis, il ne peut en bénéficier cette fois-ci.
Des peines courtes, mais fermes, pour l’exemple
Il est 22 h ce mercredi 15 mai. Délibérations. Depuis lundi soir, les accusés ont passé 48 heures en garde à vue, 20 heures au dépôt, puis des heures encore d’attente jusqu’à leur comparution devant la cour. Maître Daudé, commise d’office, a eu trois heures pour étudier 5 dossiers, s’entretenir avec chacun de ses clients pendant une quinzaine de minutes. « J’ai l‘impression de n’avoir pas eu le temps de préparer le dossier correctement. J’ai peur que la cour utilise le contexte pour délivrer des mandats de dépôt. » Pour l’exemple. Symbole de la fermeté de la justice en pareil cas. « Hors de ce contexte-là, il n’aurait jamais été en comparution immédiate, et les peines auraient été moindres » , estime-t-elle.
À 22 h 30, le tribunal annonce la peine : 3 mois d’emprisonnement avec sursis pour Arnaud, 500 euros d’amende délictuelle et 500 euros à verser pour préjudice moral à chacun des deux policiers. La cour a rejeté la constitution de partie civile du PSG pour « préjudice d’image », faute de lien direct avec les personnes dépositaires d’autorités publiques. Le prévenu, qui avait fait part de son incompréhension à l’annonce des réquisitions, semblait « soulagé, mais mécontent de devoir de l’argent à des policiers » , a indiqué son avocate en fin de séance. Ce même soir, Raphaël écopera de 2 mois fermes pour rébellion sans mandat de dépôt, relaxe au bénéfice du doute pour le jet de projectile » et 600 euros de dommages et intérêts.
Ni « ultras » ni « banlieusards »
Les comparutions immédiates se sont enchaînées toute la journée au palais de justice de Paris. Quatre prévenus ont été jugés dans la chambre 23.1 du tribunal, huit autres dans la deuxième section. Au final, les sanctions ont été plus légères que les réquisitions du procureur, mais assez lourdes compte tenu des profils des individus et des faits qui leur ont été reprochés. De deux à trois mois de prison avec sursis et des amendes de 500 euros pour les parties civiles ont été prononcés pour « violence envers policiers » et « dégradation volontaire » dans la plupart des cas. Les accusés étaient âgés de 18 à 33 ans, cuisinier, chauffeur, ouvrier ou lycéen, touristes brésiliens, sans antécédent judiciaire pour la majorité. Une peine de deux mois de prison ferme avec mandat de dépôt (il a passé la nuit en prison) a tout de même été retenue à l’encontre de Michaël, 27 ans, sans emploi, jugé pour violence envers policiers par jet de projectiles. Ce passionné de foot et supporter du PSG « depuis tout petit » avait déjà été condamné en 2007 pour vol aggravé.
Sur les 13 prévenus présentés hier, 5 ont été condamnés dont 2 à des peines de prison ferme. Des relaxes ont été prononcées pour 3 touristes brésiliens et 8 affaires ont été renvoyées au mois de juillet.
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