Six associations proposent leurs solutions

Lena Bjurström  • 2 mai 2013 abonné·es

Gisti : « Préparer un plan d’intégration »

«Ce n’est pas à nous, associations, d’imaginer des solutions ! » Pour Claudia Charles, chargée d’études au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), l’État doit réfléchir d’urgence à un vrai plan d’intégration des Roms. La politique à leur encontre est « schizophrène ». Le PS est au pouvoir, mais les évacuations de campements se poursuivent et, souvent, aucune solution de relogement viable n’est proposée, malgré la circulaire Valls censée l’imposer. Ce texte, qui « soigne d’autant plus la forme qu’il ignore le fond », est, pour Claudia Charles, une parfaite illustration du manque de volonté politique du gouvernement.

« Si l’on veut entamer une politique d’intégration, il faut mettre fin à la période de transition imposée aux citoyens roumains et bulgares [limitant leur accès au travail en France, malgré leur statut de ressortissants de l’Union européenne, NDLR]. » Une mesure d’urgence qui ne sera pas suffisante, selon elle : « Ouvrir l’accès au RSA et à d’autres droits sociaux leur permettrait une insertion plus aisée. Mais quel politicien aura le courage de proposer cela ? »

RESF : « Scolariser tout enfant de 6 à 16 ans »

« Pour qu’un enfant aille à l’école, sa famille ne doit pas craindre chaque jour d’être expulsée. » Membre du Réseau éducation sans frontières (RESF) et directrice d’école à Bobigny, Véronique Decker [^2] insiste sur ce point essentiel. L’enfant doit être à la fois inscrit et admis à l’école, deux étapes souvent difficiles à passer. « Pourtant, la loi stipule que tout enfant de 6 à 16 ans doit être scolarisé. Nul argument de manque de place ou de classe adaptée ne peut s’opposer à cela, or les municipalités y ont souvent recours. »

Une inscription réclame des justificatifs qu’une famille rom peine parfois à fournir, comme une attestation de domicile. « Les Roms, comme tout SDF, devraient pouvoir être domiciliés administrativement dans les centres communaux d’activité sociale. Pourtant, ce droit leur est bien souvent refusé. » Vient ensuite le problème de la qualité de l’enseignement. « Ces enfants, souvent scolarisés sur le tard et non francophones, ont besoin d’une initiation via les Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivant [UEP2A], explique Pierre-Louis Chevalier, membre de RESF à Montpellier. Répondre à leurs besoins nécessite de développer ces classes et d’embaucher des enseignants spécialisés et des éducateurs. » 

Médecins du monde : « Développer la médiation sanitaire »

« Les évacuations répétées de campements sont désastreuses pour le suivi sanitaire des familles roms », s’alarme Jean-François Corty. Pour le directeur des missions France à Médecins du monde, il faut remplacer cette politique par une vraie volonté d’accompagnement des familles. Sur le plan sanitaire, celui-ci ne peut se passer d’une médiation : « Une interface entre les bénéficiaires et les structures de soins est essentielle. Ces populations sont isolées, nous devons aller vers elles. Pour une campagne de vaccination, par exemple, si les professionnels se déplacent, cela crée un contact entre les structures et les familles, qui y auront ensuite plus facilement recours. »

Idem pour l’accès aux droits. « Les Roms sont de potentiels bénéficiaires de l’Aide médicale d’État (AME). Mais, outre les problèmes de langue, les documents à remplir pour en bénéficier sont complexes et demandent des garanties, comme un justificatif de domicile, qu’ils n’ont pas toujours… » La simplification de l’accès aux droits est une nécessité : assouplir les demandes de justificatifs mais aussi uniformiser les dispositifs administratifs en fusionnant notamment l’AME et la Couverture maladie universelle.

Amnesty : « L’Europe doit faire pression sur les États membres »

« En France et ailleurs, les Roms subissent la violence et l’exclusion, et ce en dépit des obligations des États découlant du droit international », rappelle Jeannine Thoral, responsable de la Commission discriminations ­d’Amnesty international. Selon elle, ­l’Europe doit accentuer la pression sur les États membres pour qu’ils proposent de véritables plans d’intégration. « L’année dernière, la Commission avait déjà demandé aux États de lui fournir un plan d’intégration des Roms. Mais les propositions, notamment celles de la France, se sont révélées si pauvres en mesures concrètes qu’elle a dû réitérer sa demande. » La France devrait rendre un nouveau projet dans les prochains mois.

« Qu’on ne nous oppose pas l’argument des ressources, prévient la responsable ­d’Amnesty. Il existe des fonds européens disponibles pour les États qui mettront en place des mesures d’accompagnement vers l’emploi, le logement, la scolarisation… » L’Europe a par ailleurs les moyens de sanctionner ses membres qui bafouent les droits humains : « Qu’elle s’en serve ! » « La question doit être prise par les deux bouts, en exerçant des pressions sur les autorités locales mais aussi au niveau européen. »

LDH : « Apporter une réponse qui ne soit pas que policière »

La levée partielle des mesures transitoires limitant l’accès à l’emploi des ressortissants roumains et bulgares témoigne de la ­« frilosité » d’un gouvernement empêtré dans ses contradictions. C’est l’analyse de Malik Salemkour dans l’édition 2013 de l’État des droits de l’homme en France, publiée par la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Alors que l’insertion sociale des Roms venus de ces pays passe par le travail, objectif affiché des pouvoirs publics, ces dispositions […] n’ont été qu’assouplies, mettant ainsi en péril cette ambition. »

La circulaire du 26 août 2012 affirme bien la nécessité d’offrir des alternatives aux familles, mais elle soutient la prééminence de l’ordre public sur les considérations sociales : « Les Roms […] doivent d’abord être expulsés avant que soit envisagée une quelconque prise en charge publique », résume Malik Salemkour. Pourtant, selon Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe de la LDH, cette circulaire « était d’autant plus intéressante qu’elle était interministérielle et signifiait que la solution du problème n’était pas que policière ».

Cesser le harcèlement policier, le passé ayant montré l’inefficacité du « tout-répressif », et penser politiquement l’insertion, de façon claire et apaisée, voilà ce qui doit être envisagé par les autorités locales, nationales et internationales.

Fnars : « Ouvrir des centres d’hébergement adaptés aux familles »

« Lors de l’évacuation d’un campement, il est rare qu’une solution de relogement soit proposée, malgré la circulaire du 26 août 2012. Quand c’est le cas, les familles sont bien souvent renvoyées vers des hôtels pour deux ou trois jours, ce qui n’est ni adapté ni pérenne. » C’est en outre très coûteux. Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), souligne le manque de pertinence des « solutions » de relogement proposées aux familles roms. « On fait appel à l’offre hôtelière parce que les centres ­d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont non seulement surchargés mais aussi inappropriés pour les familles. Il faut donc d’urgence ouvrir des centres adaptés. »

Autre solution temporaire, le développement d’habitats modulables viables, pour lesquels la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), pilotée par le préfet Alain Régnier, a reçu 4 millions d’euros. Mais, pour le directeur général de la Fnars, il faut des stratégies régionales de répartition : « Les Roms sont finalement peu nombreux en France (environ 20 000), mais concentrés sur certains territoires, comme la Seine-Saint-Denis. Ils sont près de 12 000 en Île-de-France. Cette concentration cristallise le racisme et met les collectivités en difficulté. » Selon lui, seule l’ouverture au droit commun peut offrir une solution d’insertion. Elle passe notamment par l’accès au logement social, comme pour tout citoyen.

[^2]: Voir vidéo sur Politis.fr

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