Un tournant de la relance !
En 2013, 24 pays sur 27 ne pourront respecter le pacte de stabilité.
dans l’hebdo N° 1251 Acheter ce numéro
Après le FMI, le président de la Commission européenne a avoué son doute quant à l’efficacité des politiques d’austérité, qu’il recommandait jusqu’alors dogmatiquement. Le rythme de réduction des déficits imposé par la Commission était ainsi plus strict que celui en vigueur dans les nouveaux textes européens. Alors que le « six-pack » demande aux États de la zone euro de réduire leur déficit public de 0,5 point de PIB par an jusqu’aux 3 % du pacte de stabilité, le rythme imposé par la Commission était de 1,5 % par année pour un pays comme la France. Tandis que le déficit français était estimé à 4,5 % du PIB (il fut de 4,8) en 2012, la Commission demandait un retour à 3 % dès 2013. Compte tenu de la récession qui s’abat sur la zone euro, cet objectif était intenable. Si la Commission s’en était tenue au « six-pack », déjà restrictif, la France aurait été « dans les clous », puisque son déficit prévu par la Commission elle-même en 2013 est de 3,7 %. Elle aurait même atteint les 3 %, en 2014, sans les 20 milliards du pacte de compétitivité.
En 2013, ce sont 24 pays sur 27 qui ne seront pas en mesure de respecter le pacte de stabilité. C’est pourquoi sa suspension est, à mots couverts, à l’ordre du jour du sommet de juin. L’objectif de 3 % est donc repoussé à plus tard, ce qui permettra à certains pays de laisser jouer un tant soit peu les « stabilisateurs automatiques ». Pour la France, cela évite une cure d’austérité immédiate de 0,7 point de PIB (14 milliards), qui aurait été nécessaire dès 2013. Le débat n’en est pour autant que reporté à 2014, où la Commission prévoit un déficit de 3,9 % pour la France. Or, celle-ci vient de s’engager, dans son programme de stabilité, à revenir à 2,9 % l’année prochaine. Il faut donc s’attendre à un plan de rigueur équivalent à 1 point de PIB (soit les 20 milliards du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE]) dans la prochaine loi de finance. Comme le gouvernement a déjà opéré une ponction fiscale de plus de 27 milliards en 2012 et en 2013, on peut s’attendre à ce que ce plan de rigueur passe par une contraction des dépenses publiques, s’ajoutant aux hausses de TVA annoncées.
Nombre d’économistes avancent aujourd’hui que le multiplicateur budgétaire est de l’ordre de 1,5 pour la zone euro : une réduction de 20 milliards des dépenses publiques provoquerait un effet récessif se traduisant par une contraction de la production de 30 milliards, soit une chute de la croissance de 1,5 %, qui annihilerait la reprise de 1,2 % annoncée par la Commission. La France entrerait à son tour en récession en 2014, et ce durablement si l’austérité se prolongeait partout en Europe. Les recettes fiscales s’amenuiseraient et les déficits ne se réduiraient pas, à moins que le CICE et la flexisécurité ne provoquent le choc d’offre attendu par les hérauts du nouveau modèle français. À défaut, c’est un tournant de la relance qu’il faudrait amorcer en Europe. En régime de monnaie unique, la contrainte extérieure n’est pas le principal obstacle à ce type de politique. Pour autant que la spéculation ne porte plus sur les monnaies, elle se focalise désormais sur les dettes souveraines. Il est donc plus que jamais nécessaire que les États de la zone euro coordonnent leur relance. Tel est le point clé que le président de la République doit parvenir à faire inscrire à l’agenda du Conseil européen.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.