Une expédition à l’assaut de la poubelle du Pacifique Nord

L’équipe française de la mission « 7e continent » part étudier l’une des accumulations de déchets qui contaminent les mers et les océans, animée d’une volonté de sensibilisation.

Claude-Marie Vadrot  • 16 mai 2013 abonné·es

Une expédition maritime française dirigée par le navigateur guyanais Patrick Deixonne et soutenue par le Centre national d’études spatiales quittera la Californie d’ici à la fin mai pour explorer le« 7e continent », l’un des gigantesques amas de déchets plastiques qui se forment dans la plupart des mers et des océans sous l’effet des gyres océaniques [^2]. La mission 7e continent, patronnée par la Société des explorateurs, partira dans le grand gyre du Pacifique Nord, entre la Californie et Hawaï, dans une zone polluée couvrant 3 à 4 millions de km2 (environ la superficie de l’Inde), pour y effectuer des relevés cartographiques et des prélèvements, dont l’analyse permettra de mesurer la densité et les composants de ces déchets. Elle rapportera également des images, afin de médiatiser cette catastrophe écologique trop méconnue.

Ces concentrations sont longtemps demeurées ignorées car, sauf en Méditerranée, elles se trouvent à l’écart des voies de navigation très fréquentées – la première a ainsi été découverte fortuitement en 1997 par l’océanographe américain Charles Moore. En outre, elles sont difficiles à repérer, la plupart des déchets flottant entre deux eaux. Les scientifiques ont employé le terme de « soupe » pour les décrire car l’essentiel des débris se présente sous la forme de résidus de quelques millimètres. En surface, seuls les gros déchets non encore dégradés sont visibles. L’Algalita Marine Research Fondation et Greenpeace International, qui étudient également la poubelle du Pacifique Nord, estiment que le poids du plastique accumulé est d’au moins 3,5 millions de tonnes et que chaque km2 de cette zone contient plus de 3 millions de déchets. Les autres grandes concentrations, dans le Pacifique Sud, l’Atlantique, l’océan Indien, au large du Japon, le long du continent antarctique et en Méditerranée n’ont pas encore fait l’objet d’études détaillées mais semblent avoir les mêmes composition et origine. D’après l’Organisation maritime internationale, qui accorde une bien faible attention au sujet, 20 % des déchets viennent des plateformes offshore et des navires, le reste étant charrié par les cours d’eau vers les océans. Une fois en mer, ils sont peu à peu happés et concentrés par les gyres. La surface des plaques de déchets aurait triplé au cours des quinze dernières années, au détriment du plancton, des oiseaux, des mammifères marins et de toute la biodiversité marine.

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) évalue à un million le nombre des oiseaux étouffés ou empoisonnés à mort par les déchets plastiques. Plus pessimiste, l’organisation Birdlife International évoque 1,5 million d’oiseaux tués par an. S’y ajoute, toujours selon le Pnue, la mort annuelle d’une centaine de milliers de dauphins et de cétacés. Sans compter les tortues étouffées par les sacs en plastique et l’intoxication croissante des poissons aux PCB et aux pesticides. Y compris ceux que nous consommons…

[^2]: Puissants tourbillons formés d’un ensemble de courants marins.

Écologie
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