À Bure, le débat bien enfoui
Fin mai, les opposants au stockage des déchets sont parvenus à empêcher la tenue d’une première réunion.
dans l’hebdo N° 1257 Acheter ce numéro
Les antinucléaires pourraient bien avoir enseveli le « débat public » sur l’enfouissement des déchets radioactifs. Au moins pour quelques mois. Le 23 mai, deux cents d’entre eux sont parvenus à empêcher la tenue de la première des réunions publiques, qui devait avoir lieu à Bure et dont l’objectif était de débattre du projet de création, sur cette petite commune de la Meuse, d’un centre de stockage géologique (Cigéo) où serait confinés de manière définitive des milliers de tonnes de déchets nucléaires dans une couche d’argile très stable à 480 mètres sous la surface.
Si les opposants dénoncent un projet « dangereux » depuis longtemps, leur colère se focalise actuellement sur la tenue de la Commission particulière du débat public (CPDP) lancée pour l’occasion, et qu’une quarantaine d’associations (dont le réseau Sortir du nucléaire) ont appelé à boycotter. Alors que les organisateurs – le préfet Claude Bernet en tête, président de la CPDP – jurent que « tout n’est pas décidé », les anti estiment que le processus est « bidon » : un laboratoire « expérimental » a été créé en 2000 sur le site, et tout indique, selon eux, que le débat public est destiné à faire passer la pilule de sa mue en « Cigéo ». La hâte avec laquelle a été organisé le débat cache mal en effet les intérêts de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et du gouvernement. Même si le stockage n’est pas supposé avoir lieu avant 2025, les délais de construction et d’autorisation (qui nécessiteront notamment le vote d’une loi) les ont poussés à bâcler la CPDP.
C’est notamment ce qui ressort d’un avis sévère de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : si elle ne remet pas en cause le projet, elle relève des « incertitudes résiduelles » sur l’homogénéité de la couche d’argile ainsi que le grand flou concernant la quantité de déchets à stocker. En effet, le débat national sur la transition énergétique peut influer sur le calendrier de fermeture et de démantèlement des centrales, avec une incidence considérable sur le volume de déchets à stocker à terme. La Commission nationale du débat public (CNDP, qui chapeaute les différentes CPDP en cours) a décidé d’ajourner sine die les réunions de la CPDP Cigéo. Une réunion est prévue avec les parties prenantes pour trouver une issue, mais il semble difficile de relancer le processus avant le vote, à l’automne, de la loi sur la transition énergétique.