EELV devant son miroir

Trois enquêtes analysent les aspirations des militants et sympathisants verts, ainsi que le ressenti de l’électorat potentiel du parti.

Patrick Piro  • 27 juin 2013 abonné·es

Europe Écologie-Les Verts (EELV) tenait samedi une convention nationale à Paris pour analyser les résultats de trois enquêtes récentes sur les attentes des militants du parti, des sympathisants non encartés du mouvement ainsi que de son électorat potentiel. «  Alors qu’il est de coutume pour les partis de garder confidentiels ce type de documents, nous avons choisi d’en débattre publiquement  », se félicite Pascal Durand, secrétaire national d’EELV. Le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) a adressé un questionnaire à 58 292 adhérents ou sympathisants, dont 12 552 lui ont été retournés, « un taux de retour assez unique », souligne Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof, qui a copiloté l’étude. La transformation des Verts en EELV est plébiscitée : 81 % y voient un progrès pour le mouvement, et 69 % des membres de la coopérative [^2] pensent qu’elle va jouer un rôle important dans l’orientation du mouvement.

Dans le paysage politique, si 13 % des sondés «  ne se reconnaissent pas dans [l’]échelle » proposée – une proportion en baisse depuis la dernière enquête équivalente (2002) –, un tiers des adhérents qui s’y reconnaissent se disent de gauche radicale. 62 % se situent entre la gauche modérée et le centre-gauche, et seulement 5 % entre le centre et la droite. On peut discerner une cohérence, dans cette représentation plus radicale qu’auparavant, avec l’appréciation sur la participation gouvernementale : elle est considérée comme un « bien » pour 49 % des sondés, une proportion en baisse régulière depuis 2002 (61 %) et 1999 (79 %). L’attachement à l’Union européenne reste très solide, recueillant l’adhésion de 89 % des personnes. Et 74 % d’entre elles estiment « possible et souhaitable de fermer définitivement toutes les centrales nucléaires françaises dans un délai de vingt   ans ». « Ces taux sont un peu moindres chez les coopérateurs, souligne Daniel Boy, mais il s’agit d’un des rares points de petit déphasage avec les militants du parti  : nous relevons très peu de différences d’aspiration sur les axes majeurs de l’écologie politique entre les deux collèges qui forment EELV. » Les militants placent la transition énergétique en tête de leurs priorités (69 %) : «  inattendu, mais cela traduit la prééminence d’une vision politique », analyse Daniel Boy. La sauvegarde des terres agricole vient ensuite (35 %), puis la fin du nucléaire et la lutte contre la pauvreté et la précarité (34 % chacun). Le profil sociologique d’EELV, enfin, n’a guère changé avec la création de la coopérative : les « EELV » possèdent un « bac + 4 ou plus » à 58 %, et les catégories cadre supérieur, enseignant, artiste, travailleur social ou retraité actif rassemblent les trois quarts des militants. Enfin, préoccupation montante, le parti vieillit nettement : les plus de 50 ans comptent pour 56 % des forces, contre 32 % en 1999. La part des 17-30 ans, si elle passe de 7 à 9 % au cours des quinze dernières années, reste marginale.

L’enquête de Viavoice a sondé les perceptions des électeurs écologistes « effectifs ou potentiels » –  « ils représentent environ 20 % de l’électorat », souligne François Miquet-Marty, président de l’institut. Premier enseignement : ce public soutient nettement (à 61 %) la présence de ministres écologistes au gouvernement, confortant la ligne du parti sur cette question. Même si, comme le montre la troisième enquête, menée par Harris interactive, les prises de position des écologistes depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir ne laissent guère de souvenirs dans l’esprit du public d’EELV. Plus gênant : seule une moitié de l’électorat potentiel estime que « l’écologie politique propose pour l’avenir un nouveau modèle de société », et à peine 31 % le jugent «  attrayant »  ! La salle réagit, il s’agit d’un vieux débat interne : «  Alors que nous sommes convaincus de porter la seule vraie alternative, et de disposer de solutions crédibles pour le changement, savons-nous nous adresser à notre public, savons-nous sortir d’une présentation punitive de l’écologie politique ? », commentent des militants. D’autant que ces électeurs potentiels priorisent les réponses concrètes sur des sujets tels que la qualité de l’alimentation ou le logement pour tous. Alors que la sortie totale du nucléaire en vingt ans ou le fédéralisme européen n’en intéressent respectivement que 53 % et 35 %. Enfin, ils estiment à 19 % seulement que c’est EELV qui défend le mieux l’environnement en France, loin derrière « les citoyens eux-mêmes » (47 %) ou les ONG (27 %). « Mais devant les communes, les régions, les autres partis et l’État », tempère François Miquet-Marty.

[^2]: Elle est composée d’individus qui militent sans adhérer formellement au parti.

Politique
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