La vie en mode léger
La loi Alur pour l’accès au logement, présentée le 26 juin, entend faire entrer l’habitat léger dans le droit commun.
dans l’hebdo N° 1259 Acheter ce numéro
Pour la plupart, c’est un objet touristique. Mais, pour certains, les yourtes, caravanes, roulottes, tipis, mobile homes et autres types d’« habitat léger » sont un mode de vie. Un mode de vie plus économique et plus économe, mais qui se heurte à un vide juridique : ils ne sont pas prévus dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Stationnés sur des terrains non constructibles, ils posent des problèmes de réglementation (sécurité, hygiène). Ce qui fait que les personnes concernées, par choix (gens du voyage, « alternatifs ») ou à cause de la crise du logement, se retrouvent régulièrement menacées d’évacuation.
En France, ces personnes seraient un million ** d’après le ministère du Logement. Un chiffre difficile à vérifier du fait de l’illégalité de la situation mais aussi de la perméabilité entre habitat « choisi » et « subi ». Toutefois, l’association Halem (Habitants de logements éphémères ou mobiles) estime elle aussi qu’un million de personnes dépendent du statut dérogatoire accordé pour « résidence principale mobile » : 450 000 “gens du voyage”, 250 000 vivant sous tente, yourte, dans un camion ou autre résidence mobile, 12 000 réfugiés économiques et sociaux, 100 000 en terrain de camping… Pas si marginal, mais toujours précaire. L’absence de réglementation concernant les yourtes, par exemple, les fait basculer soit dans le statut de « tente », qui leur permet d’échapper au code de l’urbanisme, soit dans le statut de « bâti », qui les rend illégales. Le 26 juin, jour de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi Alur pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le tribunal de Bergerac (Dordogne) devait rendre son verdict concernant une yourte au lieu-dit Le Muscle, près de Bugne. Il y a des précédents : à Bussière-Boffy (Haute-Vienne), sept habitants de yourtes ont été condamnés le 14 juin par la cour d’appel de Limoges à détruire leurs habitations et à payer une amende de 500 euros par yourte. Poursuivi pour défaut de permis de construire par la cour d’appel de Toulouse, un couple vivant dans une yourte près d’Arrout a, lui, obtenu la relaxe.
« Le développement somme toute récent et la diversification de ces alternatives au logement classique rendent aujourd’hui nécessaire de revoir la réglementation », annonce un chapitre de la loi Alur. La ministre du Logement, Cécile Duflot, a prévu deux mesures : les dispositions d’urbanisme devront prendre en compte l’ensemble des modes d’habitat installés de façon permanente sur la commune ; de plus, l’habitat léger considéré comme lieu d’habitation permanente doit entrer dans le droit commun. Comme les résidences mobiles, les résidences démontables devront répondre à un cahier des charges. Enfin, elles pourront être autorisées en zone urbaine et dans les « pastilles » (espaces d’accueil prévus en zones agricoles ou naturelles). « Sans prévoir de statut particulier – ce qui était réclamé par certains –, la loi devrait s’aligner sur la jurisprudence, présume Me Ribaut-Pasqualini, qui défendait les habitants des yourtes de Bussière-Boffy. Dans ces affaires, ça coince principalement au niveau de l’administration, car tout dépend de “l’ancrage” de l’habitat dans le sol et de son caractère de “durabilité”. » S’il n’y a pas « de mouvement de fond », il estime que le phénomène se développe. « Beaucoup plus pour des raisons sociales que par réelle envie de retour à la terre. J’ai de plus en plus de clients vivant en camping, par exemple. » Enjeu principal, la reconnaissance passe par une conversion culturelle et juridique. « Le paysage urbanistique reste encore dominé par deux formes d’habitat héritées du siècle dernier : l’habitat privé, livré aux mains des promoteurs immobiliers, et l’habitat public, structuré autour du mouvement HLM », rappelait une proposition de loi déposée par Noël Mamère (Verts) en 2010. « Un tiers habitat existe », ajoutait ce texte, qui rappelait le mouvement des Castors dans l’après-guerre.
Dans le projet de loi Alur, les mesures sur l’habitat léger accompagnent celles sur l’habitat participatif. Pour les associations de lutte contre le mal-logement, il faut pouvoir tirer sur tous les leviers en même temps.