Les fachos du Net
Le Web ouvre la porte à tout. Parfois aux idées les plus nauséabondes, mâtinées de merchandising, qui surfent sur la crise économique et morale.
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On trouve de tout sur Internet. Égalité et réconciliation, la Dieudosphère, Instinct de survie, Kontre Kulture… Autant de sites d’informations (partenaires), de boutiques en ligne, de forums, avec revues de presse et vidéos. À défaut d’accès aux médias traditionnels, ils développent sur la Toile une idéologie nauséabonde, commercent, dispensent des formations en journalisme ou des activités de conseils. En bannière du premier nommé : « La gauche du travail et la droite des valeurs pour une réconciliation nationale ! »
Sur Égalité et réconciliation, Alain Soral livre sa vision apocalyptique de notre société. En uniforme de CRS ou dans le bleu de chauffe de l’administration pénitentiaire, il tire à boulets noirs sur quelques cibles privilégiées : Aymeric Caron, « le BHL goy », Tariq Ramadan et son « niveau de bêtise », Hassen Chalghoumi, « l’imam illettré du Crif, qui ne parle pas le français », Cohn-Bendit, « vieille pute libertaire », Edwy Plenel, Pierre Bergé, Jean-Luc Mélenchon, « issu de l’administration coloniale, impérialiste à faux nez », les Femen, « phénomènes du diable exposant leurs nichons, salissant l’image de la maman », ou encore Christiane Taubira, « la négresse de service, faisant le tapin pour le satanisme mondialiste, pour la haute élite maçonnique ». Une violence verbale assumée, tout en se défendant d’un discours haineux [^2], ici partie liée au mariage pour tous, vu comme « la marchandisation de tout, du corps de la femme, des enfants », tandis qu’on y prône « les enfants nés de l’amour ». Au fil de vidéos plébiscitées par les internautes, confortablement lové dans son canapé fraise des bois, l’idéologue commente l’actualité, déroule un discours de préférence nationale, en soutien critique du FN, clairement homophobe et antisémite, également contre « la féminisation de la société », et dénonçant principalement « l’omniprésence de la communauté juive » dans ce qu’il nomme « les merdias ». Endossant le rôle de victime du système, ostracisé, persécuté, faisant valoir, à titre préventif, sa bonne pratique de la boxe. Sur le site, de nombreuses invitations aux conférences des sulfureux Gabriele Adinolfi, Stéphane Blanchonnet ou Kemi Seba. Mélange des genres et racolage. On ratisse large, mais on ne rase pas gratis. Tout est fait pour vendre. Livres (beaucoup d’autopromo), vins et produits bio sur le site partenaire Au bon sens (des « produits sains et enracinés » ), conférences, incitation aux dons où l’essayiste se présente en tenue de prisonnier, avec la mention : « Pour soutenir Alain Soral dans les épreuves qui l’attendent. »
Moins actif mais non moins controversé, le site Dieudosphère est la vitrine de Dieudonné, proche d’Alain Soral. Les deux se renvoient d’ailleurs leurs liens commerciaux pour l’achat de DVD, la billetterie des spectacles ou la vente de tee-shirts à leur effigie. Sur Kontre Kulture, deux messages s’additionnent : « Insoumission et produits subversifs en tout genre », avec en auteurs référencés Maurras, Drumont, Douglas Reed et sa Controverse de Sion, le Livre vert de Kadhafi, et de nouveau les ouvrages de Soral et Dieudonné. Sur Instinct de survie, on peut tout apprendre sur le close-combat, « en réponse à notre époque où les tensions et les crises, de plus en plus fréquentes et inattendues, nous rappellent que l’équilibre de l’ordre social est toujours fragile. » Moyennant 240 euros, vous obtenez votre « autonomie en milieu rural isolé », pour 467 euros, un kit d’évacuation avec ceinturon porte-poignard, rations de survie (y compris pour les nourrissons). Du tragi-comique qui ne plaisante pas. Certes, ce discours relevant du conspirationnisme, d’un complot associant mondialistes et sionistes, se traduisant par un rejet des États-Unis, de l’Otan, et un soutien du Venezuela à la Syrie, n’est pas nouveau. Il use aujourd’hui des nouvelles technologies, pour une audience élargie, surfant sur la crise morale, politique et économique. Avec un discours arc-bouté sur le « tous pourris », revendiquant une « saine subversion » et misant sur des activités commerciales.
[^2]: Le lendemain de la mort de Clément Méric, Alain Soral a condamné « toute violence, de l‘extrême gauche à l’extrême droite », sans pointer pour autant les JNR.