Tension au Jeu de paume (À flux détendu)
L’exposition consacrée à Ahlam Shibli et à sa série photographique intitulée Phantom Home (Foyer fantôme) est menacée par le Crif.
dans l’hebdo N° 1258 Acheter ce numéro
L’exposition du musée du Jeu de paume, à Paris, consacrée à Ahlam Shibli et à sa série photographique intitulée Phantom Home (Foyer fantôme) est menacée. Cette nouvelle tentative de censure contre des œuvres d’art a pour cible une salle en particulier. Là, Ahlam Shibli, qui travaille notamment sur la manière dont est entretenu le souvenir de combattants palestiniens ayant sacrifié leur vie à leur cause, montre ceux que là-bas on nomme des « martyrs ».
L’habituelle mécanique liberticide s’est rapidement mise en œuvre. En l’occurrence, le Crif, sans que Roger Cukierman, son président, ne juge nécessaire de visiter l’exposition, a dénoncé une fantasmatique « apologie du terrorisme ». D’autres associations lui ont emboîté le pas, comme Europe Israël, demandant sa fermeture pure et simple. L’ambassade d’Israël s’en est mêlée, appuyant les « arguments » du Crif. Puis la directrice du Jeu de paume, Marta Gili, a reçu des menaces de mort ; le musée a été l’objet dimanche d’une alerte à la bombe, nécessitant l’évacuation du lieu ; et le personnel travaille désormais sous la menace de violences, qui crée un sentiment d’insécurité usant.
Alors, fermer ou pas cette exposition (sur laquelle je reviendrai la semaine prochaine), prévue pour s’achever dans plus de deux mois, le 1er septembre ? La décision de la maintenir ouverte est évidemment la plus difficile. Mais Marta Gili, femme de convictions, ne veut pas céder devant les méthodes d’intimidation. L’appui inconditionnel du ministère de la Culture ne serait pas de trop. Or, le communiqué d’Aurélie Filippetti faisant écho aux « émois » des censeurs laisse pour le moins à désirer. Le Crif s’en est d’ailleurs délecté, notant que la ministre de la Culture « reconnaît avec discernement qu’une partie de cette exposition choque ceux qui y voient l’apologie du terrorisme ». Pourtant, elle-même, visitant l’exposition le jour de son inauguration, n’y a rien vu de répréhensible…
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