Turquie : Une contestation globale du pouvoir
Face à la fronde, le Premier ministre réplique par la force.
dans l’hebdo N° 1256 Acheter ce numéro
«C e qui se passe n’a plus rien à voir avec l’arrachage de douze arbres », déclarait dimanche Recep Ayyip Erdogan. En cela, au moins, il semblerait que le très contesté Premier ministre turc n’ait pas tort. En Turquie, ce qui a commencé avec l’occupation par une centaine de militants d’un parc menacé par un projet de réaménagement urbain à Istanbul s’est en quelques jours transformé en une contestation nationale de la politique du Premier ministre et du parti islamo-conservateur, l’AKP. Depuis la répression des manifestants stambouliotes, le 31 mai, la contestation s’est propagée dans d’autres villes du pays, prenant une ampleur inédite depuis l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan et de son parti, en 2002.
D’Izmir (ouest) à Gaziantep (sud-est) en passant par la capitale, Ankara, des milliers de personnes ont dénoncé les pratiques autoritaires du Premier ministre et sa volonté « d’islamiser » le pays. Mais le gouvernement campe sur ses positions, répondant par l’envoi de forces de police dans chaque ville. Les affrontements auraient fait plus de 1 700 blessés dans les deux plus grandes villes et un mort à Istanbul, d’après les syndicats de médecins. Alors que le président turc, Abdullah Gül, appelait lundi au calme, M. Erdogan invitait ses compatriotes à ne pas céder aux « provocations d’éléments extrémistes », avant de s’envoler, confiant, pour une tournée de quatre jours au Maghreb. Pour les « extrémistes » en question, il ne s’agit plus seulement d’un parc, il s’agit de démocratie. La répression des manifestants n’aurait que rallumé les braises alimentées depuis des mois par les mesures contestées du gouvernement. Tandis que, dans la rue, les manifestants assuraient vouloir « maintenir la pression », en début de semaine, la confédération des syndicats de la fonction publique Kesk appelait à une grève de 48 heures, les 4 et 5 juin, en réponse à la « terreur d’État ».