Villeneuve-sur-Lot : L’usure du front républicain

Après la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, des socialistes critiquent l’automaticité du désistement pour l’UMP face au FN.

Michel Soudais  • 27 juin 2013 abonné·es

Dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot, le candidat UMP Jean-Louis Costes (53,76 %) l’a emporté dimanche face à celui du FN, Étienne Bousquet-Cassagne (46,24 %). Mais l’écart entre les deux jette le doute sur la stratégie de « front républicain » prônée et appliquée par le Parti socialiste pour faire barrage au FN. Malgré les appels des dirigeants socialistes, le candidat de l’extrême droite progresse de 20 points et gagne 7 000 voix supplémentaires par rapport au premier tour. Alors qu’aucun des quinze candidats éliminés n’avait appelé les électeurs à se reporter sur lui, il fait mieux avec ses 15 647 voix que Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle. La présidente du FN avait rassemblé dans cette circonscription 13 056 voix avec une participation électorale de 80 % ; dimanche, elle n’était que de 52,5 %.

Dès l’annonce des résultats, plusieurs responsables socialistes faisaient savoir, à l’instar du député de Seine-Saint-Denis Razzy Hammadi, qu’il convenait à tout le moins de remettre en question « l’automaticité » du front républicain. « Quand vous êtes face à un candidat UMP qui a tenu des propos très durs, sur le mariage pour tous ou l’immigration, proches du Front national, la question se pose », relève cette figure du courant de Benoît Hamon. De fait, la question s’est posée à Villeneuve-sur-Lot, où la plupart des cadres du PS local ont refusé de voter pour Jean-Louis Costes, un proche du Mouvement initiative et liberté (MIL). Mouvement associé à l’UMP, le MIL est la dernière survivance d’un gaullisme radical, qui flirte très clairement avec l’extrême droite. La question s’était posée en mars dans l’Oise quand, après l’élimination de sa candidate, la rue de Solferino avait appelé à élire l’UMP Jean-François Mancel pour faire barrage à une candidate du FN, malgré les casseroles accumulées par l’ancien secrétaire général du RPR dans sa gestion passée du conseil général et un rapprochement revendiqué avec le… FN. Les électeurs de l’Oise avaient très mollement suivi la consigne d’Harlem Désir, la candidate frontiste obtenant 48,6 %. Ceux du Lot n’ont pas fait preuve d’un grand enthousiasme. En témoigne une grande proportion (14,25 %) de vote blancs et nuls, dimanche. Ce refus de voter pour un candidat du camp qui n’est pas le sien est une tendance lourde qui ne fait que s’affirmer depuis quelques années. « Il y a vingt-cinq ou trente ans, on pouvait dire aux électeurs ce qu’ils devaient faire, constate Razzy Hammadi, aujourd’hui, c’est différent. » « Tant que l’UMP court après le FN, les électeurs traîneront des pieds face aux consignes de vote des états-majors politiques appelant à faire un front républicain », renchérit son collègue Yann Galut. Le député du Cher, animateur de la Gauche forte, appelle lui aussi le PS à « repenser sa doctrine sur le front républicain ».

Pas question, a fait savoir Jean-Christophe Cambadélis. « Briser le réflexe républicain est irresponsable et infantile », écrit le député de Paris attaché à « cette attitude de fermeté vis-à-vis du FN ». Pour la Gauche durable, groupe qui comprend 25 parlementaires, dont le député Christian Paul et la sénatrice Laurence Rossignol, ceux qui proposent « de renoncer au vote républicain » réclament « le droit de mourir dans l’indignité ». Pas moins. Le débat est refusé pour l’heure par la direction du PS, dont le porte-parole, David Assouline, rappelait lundi que « sans ce combat politique de la gauche, c’est le FN qui aurait été élu ». Ce denier insiste en revanche sur la « nécessité absolue », pour ne pas être éliminé du premier tour, d’une « union de la gauche, des écologistes et, précise-t-il, des progressistes », ce qui inclut le MoDem. La perspective du pire servirait alors un dessein difficile à faire accepter.

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