La réformette de la PAC
Les pays de l’Union ont adopté un compromis : quelques retouches qui ne bouleversent pas le modèle productiviste actuel.
dans l’hebdo N° 1260 Acheter ce numéro
Après deux ans de négociations, les pays de l’Union viennent de se mettre d’accord sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2014-2020. « Quelques avancées dans un cadre obsolète qui détruit le monde paysan », commente le groupe Pac 2013, une plate-forme de 23 associations et syndicats œuvrant pour l’écologie et une agriculture paysanne ^2. « Le projet de départ voulait assurer la souveraineté alimentaire, protéger l’environnement, veiller à l’équilibre des territoires, se rappelle Geneviève Savigny, du réseau paysan international La Via Campesina. Mais, bien vite, il s’est agi surtout de préserver la compétitivité des exploitations… Cette réforme n’est pas digne des enjeux. » La PAC a certes perdu de son lustre, mais elle engloutit encore 38 % du budget européen (contre 50 %), et sa dotation de 370 milliards d’euros constitue toujours un enjeu majeur. Un système très inégalitaire, qui favorise l’agriculture intensive des grosses exploitations, et très en retard sur les défis environnementaux – réduire les émissions de gaz à effet de serre et les impacts sur l’eau, les sols et l’air. Cependant, les divergences d’intérêts sont lourdes entre les pays réfractaires à l’interventionnisme agricole (Royaume-Uni et Suède entre autres), les anciens pays de l’Est, qui s’estiment mal considérés par la ventilation du budget de la PAC, et les grands pays agricoles comme la France, premier bénéficiaire du système d’aide aux exploitants et qui tente d’en retarder la mise à plat – le point principal des négociations. Un pas a été accompli vers l’abandon de la prime au rendement à l’hectare, qui favorise largement l’agro-industrie. Cependant, il est prévu que perdure, à l’horizon 2020, une tolérance de 40 % dans l’écart de convergence des aides. Et, pour les bénéficiaires des « gros chèques », la réduction sera plafonnée à 30 % seulement. Quelques avancées cependant : une part des aides pourra être différenciée selon les productions (couplage), permettant de mieux cibler les filières fragilisées. Par ailleurs, l’aide sera majorée pour les premiers hectares – un coup de pouce aux exploitations les moins importantes.
Le « verdissement » de la PAC reste également anecdotique. 30 % du montant des aides directes seront soumis au respect de trois critères : la présence d’au moins trois cultures sur les exploitations de plus de 30 hectares, la protection des prairies semi-naturelles et le respect de zones d’intérêt écologique (jusqu’à 7 % des surfaces en 2017). Des « exigences » qui affectent surtout les gros céréaliers en monoculture, « car plus de 90 % des exploitations les respectent déjà spontanément », relève Geneviève Savigny. Et des dérogations sont prévues, souligne le groupe Pac 2013. Dernier sujet de préoccupation : le secteur laitier. L’abandon des quotas, en 2015, laissera place à un système d’urgence minimaliste en cas de surproduction, déplorent les associations. « On a décidé de laisser opérer le marché, on connaît la suite : ce sont les plus gros qui vont s’en tirer », commente Geneviève Savigny. Au bout du compte, l’Union se défausse en partie de la PAC en octroyant aux États une marge de manœuvre croissante pour gérer leurs interventions. Une nouvelle bien reçue par Pac 2013 : la bataille pour une agriculture plus juste et plus écologique va pouvoir se poursuivre sur le terrain national, et dès les importants arbitrages budgétaires des semaines à venir.
[^2]: www.pouruneautrepac.eu