La visite du président birman à Paris inquiète les défenseurs des droits
Le président Thein Sein sera en France mercredi et jeudi, alors que la Birmanie poursuit sa «normalisation». Quatre associations rappellent que les atteintes aux droits humains continuent.
À l’occasion de la visite du président birman, Thein Sein, à Paris les 17 et 18 juillet, quatre associations ont tenté mardi de donner de la voix. Reporters sans frontières, Avaaz, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Info Birmanie comptent rappeler que les crimes contre l’humanité continuent en Birmanie, malgré la dissolution de la junte militaire en 2011.
« La communauté internationale a une attitude déplacée et démesurée [envers la Birmanie]. Certes, on constate un changement d’atmosphère caractérisé par davantage de libertés, mais les réformes substantielles n’ont pas été mises en place» assure Célestine Foucher, coordinatrice d’Info-Birmanie.
«Des signes avant-coureurs de génocide»
Les associations pointent de nombreuses infractions commises envers la liberté de la presse – malgré une amélioration en comparaison des dernières décennies. Elles dénoncent surtout l’inaction des autorités politiques, face à la persistance de tortures, de viols, d’exécutions arbitraires et de conflits armés. Sans oublier les centaines de prisonniers politiques qui remplissent les geôles du pays.
Ces exactions sont principalement commises envers les minorités musulmanes – 4 à 5 % de la population – et en particulier l’ethnie Rohingya. Julien Bayou, chargé de campagnes pour l’association Avaaz, « dénonce des signes avant-coureurs de génocide ». Il compare la situation birmane à celle du Rwanda avant la tragédie de 1994. L’État montre, selon le militant, « la volonté de détruire une population pour ce qu’elle est » et bloque l’aide humanitaire à destination des Rohingya.
Lire > Birmanie : inquiétante escalade de la violence antimusulmane
C’est aussi le laxisme de la communauté internationale qui fait aujourd’hui réagir les défenseurs des droits humains. Pour Julien Bayou, on assiste depuis 2011 à « la normalisation de la Birmanie, alors que les dirigeants n’ont pas changé » . Par exemple, Thein Sein était premier ministre lors de la répression de la révolution de Safran en 2007.
En avril dernier, l’UE levait les sanctions économiques et commerciales à l’encontre de ce pays– excepté celles concernant la livraison d’armes-, et au mois de mai, c’est le président américain Obama qui recevait Thein Sein à la Maison blanche. Pour couronner ce «retour» au sein de la communauté internationale, la Birmanie prendra en 2014 la présidence de l’Association des nations d’Asie du Sud-est (ASEAN).
Hollande devant ses responsabilités
Pour les 4 organisations réunies mardi au cours d’une conférence de presse, le retour des investissements étrangers en Birmanie est néfaste à une partie de la population, que ce soit au travers la confiscation de terres ou bien le déplacement des habitants. « Nous avons l’impression que les intérêts économiques (de la communauté internationale) priment sur les droits de l’homme » , assure Célestine Foucher.
La ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, doit se rendre à la fin du mois de juillet dans ce pays. Un concours fut organisé à destination des PME, afin qu’elles soient représentées dans la délégation ministérielle. Une « opération marketing » , dénonce Mahor Chiche, avocat et co-auteur d’une pétition pour « refuser le silence face à l’apartheid et le nettoyage ethnique en Birmanie. »
Les associations insistent sur la nécessité que le président Hollande appelle à la mise en place d’un calendrier pour les élections birmanes prévues en 2015, ainsi que la mise en place d’une commission d’enquête internationale pour enquêter sur les crimes commis à l’intérieur des frontières. Le chef de l’État, qui promettait en janvier 2012 de «ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris» , devra leur donner des gages.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don