Mali : Une élection sous pression
La France voulait cette présidentielle pour clore la séquence de son intervention militaire.
dans l’hebdo N° 1263-1265 Acheter ce numéro
En bonne logique démocratique, l’élection présidentielle au Mali, dont le premier tour était programmé pour le 28 juillet, n’aurait jamais dû avoir lieu à cette date. Comme l’a souligné Tiébilé Dramé, un candidat qui s’est retiré de la compétition, « les conditions d’une élection régulière n’étaient pas réunies ». L’exemple le plus flagrant est celui de Kidal, à 1 500 kilomètres au nord-est de Bamako, et fief des Touaregs, où, un mois avant la date de l’élection, les listes électorales n’étaient toujours pas établies. Pour Tiébilé Dramé, leader du Parena (Parti de la renaissance nationale, à gauche), « maintenir la date du 28 juillet, c’était priver de nombreux Maliens de leur droit de vote ». Tiébilé Dramé a explicitement accusé la France d’avoir exercé des pressions pour que ce calendrier soit maintenu : « Je constate que Fabius est devenu le directeur des élections au Mali. » « Nous sommes reconnaissants à la France pour ce qu’elle a fait pour nous, a-t-il encore souligné, mais on peut aider un pays à se libérer sans toucher à sa dignité. » Six mois et demi après l’intervention militaire destinée à couper la route de Bamako aux groupes islamistes qui occupaient le nord du pays depuis 2012, la France tenait en effet à mettre un point final à cette séquence. L’organisation de l’élection visant à relégitimer le pouvoir à Bamako devait marquer la fin de cette période durant laquelle la France a exercé une sorte de tutelle sur le pays.
Pour nombre d’observateurs, cette précipitation devait surtout avoir des vertus de politique intérieure française. Ce devait être une réponse à ceux qui dénonçaient un enlisement. Le paradoxe est que, pour convaincre son opinion de ce désengagement en trompe-l’œil, Paris a dû une nouvelle fois s’immiscer dans la vie politique malienne. L’influence de la France sur Bamako et sur la région, dont le Niger et son sous-sol riche en uranium, est toujours bien présente. Mais, surtout, cette élection destinée à redonner une apparence d’unité au Mali ne réglera pas le problème touareg, avec la question de l’autodétermination de l’Azawad, vaste région du nord-Mali grande comme une fois et demie la France. Une revendication traitée par le mépris et la répression par les pouvoirs successifs à Bamako, et l’ancienne puissance coloniale.