Prêts toxiques : risque majeur pour les territoires
Patrick Saurin analyse les conséquences pour les collectivités locales des mesures du gouvernement destinées à résorber la facture de la chute de Dexia.
dans l’hebdo N° 1263-1265 Acheter ce numéro
Le 18 juin dernier, dans un communiqué de presse, le ministère des Finances a annoncé la mise en place d’un nouveau fonds de soutien pluriannuel destiné à aider les collectivités impactées par les prêts toxiques. En réalité, même si le ministère des Finances a réaffirmé « sa volonté d’apporter une solution pérenne et globale au problème des emprunts structurés les plus sensibles », ce projet dissimule un risque majeur pour les collectivités, qui consisterait à leur faire porter une partie des surcoûts en les privant de leur droit d’agir en justice. Ce projet, qui sera soumis au Parlement à l’automne 2013, conjugue imprécision et duplicité. Tout d’abord, aucun montant n’est avancé. Rappelons pour mémoire que le premier fonds de soutien prévu par le projet de loi de finances rectificative pour 2012 était doté de 50 millions d’euros… dont 25 millions prélevés sur le produit des amendes de police destinées aux collectivités territoriales. Le montant de ce fonds et sa composition témoignent de la légèreté et de la rouerie du gouvernement, quand l’on sait que Michel Klopfer estimait récemment le risque lié aux emprunts toxiques entre 15 et 20 milliards d’euros [^2].
Ensuite, si le ministère prévoit une contribution du secteur bancaire, à aucun moment il n’en détaille les modalités. Il prend soin de préciser son intention de « faciliter la conclusion de transactions entre les banques et les collectivités locales ou leurs groupements, sur une base acceptable par l’ensemble des parties », ce qui signifie en clair que les collectivités devront mettre la main au portefeuille.
Ainsi, la victoire du conseil général de Seine-Saint-Denis contre Dexia devant le TGI de Nanterre le 8 février dernier n’aurait donc été qu’un éphémère intermède de droit. La Société française de financement local (Sfil), porteuse des 9,4 milliards d’euros d’encours toxiques hérités de Dexia, ne serait pas la seule à trouver son compte dans cette validation rétroactive de transactions illégales, puisque toutes les banques françaises et étrangères dont les contrats ont omis le TEG bénéficieraient de cet aménagement du droit sur mesure. « Puisque le droit se retourne contre la Sfil et les banques, il faut changer le droit », ainsi pourrait-on résumer l’attitude du gouvernement en paraphrasant Brecht.
Naturellement, il serait demandé aux collectivités s’engageant dans ce dispositif de renoncer à toute action en justice contre les banques, lesquelles sortiraient une nouvelle fois exonérées de leurs responsabilités, encore une fois avec le secours de l’État.
Ainsi, pour les citoyennes et les citoyens, le combat contre les dettes illégales et illégitimes reste plus que jamais d’actualité. Face à la déloyauté des banques et du gouvernement, leur appui aux collectivités, aux hôpitaux et aux organismes de logement social contaminés par les prêts toxiques se doit plus que jamais d’être indéfectible pour refuser que les acteurs publics, et derrière eux les contribuables, assument les conséquences des agissements spéculatifs des banques.
[^2]: « Emprunts toxiques des collectivités : le jeu perdant-perdant de l’État », Michel Klopfer, le Monde, 3 juin 2013.