Un manifeste noir et électrique
Un premier album de Savages, radical et à l’énergie brute.
dans l’hebdo N° 1263-1265 Acheter ce numéro
On peut trouver deux manifestes sur le site de Savages, dans lesquels le groupe affiche son intention de « créer un son indestructible, une musique et des mots dont le but est de frapper comme l’éclair ou un coup dans la figure ». En résumé : une musique efficace et excitante qui va droit au but. En fin de compte, tout est manifeste chez ce quartet de filles qui publie son premier album. À commencer par leur nom, court et cinglant, sans doute autant choisi pour sa consonance affûtée et tranchante que pour ses différentes significations, peut-être en référence au film d’Oliver Stone.
La pochette est une autre manifestation de cet esprit, avec cette photo qui semble prise juste avant que le noir n’ait tout envahi. Ce noir profond, autre revendication du groupe, dans son habillement scénique comme dans le nom du label créé par la chanteuse et le producteur : Pop Noire. Cette noirceur trouve sa traduction dans un son brut, une musique de lave. Qui impressionne autant que la musique dès les premières notes d’une basse métallique qui rappelle celle de Paul Simonon dans The Clash, même si ce n’est pas exactement la piste pour entamer les comparaisons.
En revanche, la musique évoque bien la fin des années 1970. Plus précisément ce moment où, à peine passée l’explosion jubilatoire et éphémère du punk, et avant que tout ne dégénère en new wave et autres avatars, sont apparus les Joy Division, Public Image ou Siouxsie & The Banshees. Ce sont ces derniers que Savages évoque le plus. La raison en est bien sûr Jenny Beth, chanteuse racée, hautaine et dangereuse comme une chatte en colère, portée par l’énergie des trois autres comme par une énorme vague électrique. Une basse sous haute tension ; une batterie qui pulse, cogne, tient à la fois du punching-ball, du fouet et de l’arme blanche ; une formidable guitare, toujours sur la brèche, qui grince, explose et taille les mélodies à même la masse sonore. En onze morceaux, dont un instrumental composé de bruits métalliques, Savages signe un disque qui répond point par point aux intentions affichées et renvoie moins directement à tel ou tel aîné prestigieux qu’à une idée aiguë du rock. Attention, ces filles-là ne plaisantent pas.