Vers un nouveau modèle éducatif ?
Pour les mouvements d’éducation populaire, la réforme ne doit pas esquiver une réflexion profonde sur les temps d’éducation.
dans l’hebdo N° 1266 Acheter ce numéro
Quatre jours et demi d’école, mais quel périscolaire ? Trois heures dégagées par semaine sur le temps d’école, mais pour faire quoi ? Cette question agitait déjà tous les acteurs d’éducation bien avant la réforme. « Depuis 1980, et même 1950 en milieu urbain ! », s’exclame Didier Jacquemin, délégué général des Francas, mouvement d’éducation populaire qui gère le périscolaire dans près de 3 000 collectivités. « Raccourcir les journées d’école pour permettre aux enfants de suivre d’autres activités pédagogiques était une proposition du Réseau des villes éducatives via leur Appel de Bobigny en 2009 », rappelle-t-il. Il accueille donc la réforme avec confiance. « D’autant que les informations du terrain ne font pas état de difficultés particulières : la plupart des villes et des écoles s’attellent à élargir le périscolaire existant. » Didier Jacquemin distingue trois modèles. Les villes qui regroupent le nouveau temps périscolaire en deux fois 1 heure et demie, « faisant le choix de plages plus longues pour inscrire des activités dans le temps ». Puis celles qui articulent quotidiennement les trois quarts d’heure du nouveau temps périscolaire avec l’ancien : « Elles vont commencer le programme du soir par de nouvelles activités et les faire suivre par un temps d’accueil plus calme. » Enfin, les villes qui découpent ce temps par quarts d’heure : « Le pire des modèles ! Car cela fait des journées au moins aussi longues mais beaucoup plus fatigantes et sans gain éducatif. » Sauf que c’est l’organisation la moins coûteuse.
« L’encadrement représente 80 % du budget, précise Didier Jacquemin. C’est pourquoi le fonds d’amorçage prévu en 2013 est bienvenu. Mais je refuse de dire que cette réforme va engendrer de nouvelles inégalités. Elles existaient déjà ! Elle pourrait même contribuer à les lisser… » Dans l’Ariège, département rural et de montagne, 90 % des villes appliqueraient la réforme dès 2013. La raison ? Les mouvements d’éducation populaire sont bien implantés et les contrats éducatifs locaux bien ficelés. « Le vrai enjeu de la réforme réside dans l’articulation entre le scolaire et le périscolaire avec une meilleure prise en compte des deux projets éducatifs. Il faut arriver à penser l’éducation autrement. Comme les journées auront globalement la même durée, le risque serait de passer à côté de cette réflexion. »
« Animateurs et associations sont peu entendus », déplore Paul Viricel, de la Fédération Léo-Lagrange, qui aurait préféré voir les rythmes réformés sur l’année et non sur la semaine, et plaide pour une « meilleure connaissance et reconnaissance » de tous les acteurs : école, parents et associations. Engagée dans 180 collectivités, la Fédération met en garde contre la tentation d’assouplir les taux d’encadrement, comme y sont autorisées pendant trois ans les communes ayant mis en place un projet éducatif territorial. Ce point, ajouté au fait que les écoles privées ne sont pas concernées, « risque de remettre en cause le principe d’égalité des chances sur le territoire ». Paul Viricel prévient : « Des problèmes pourront apparaître dans les zones – rurales ou quartiers difficiles – où le tissu associatif est peu présent ou pas assez divers. » La fédération s’inquiète aussi de l’impact de la réforme sur les animateurs : quel statut ? Quelle rémunération ? « Ne renonçons pas à la qualité des activités périscolaires, martèle également la Ligue de l’enseignement. Sur le fond, elles doivent promouvoir un accompagnement qui associe la culture, l’expression artistique, le sport, les pratiques numériques, les sciences, les techniques, l’environnement, la méthodologie de travail et de projet, la valorisation des compétences non académiques, la citoyenneté, la solidarité… Sur la forme, un encadrement qualitatif indispensable et quantitatif minimum doit être respecté. » Lorsqu’un enfant arrive au collège, il a passé 4 ans à dormir, 4 ans à « vivre sa vie » (famille, amis), 2 ans devant des écrans (télévision, ordinateur), 1 an à l’école et 1 an en centre de loisirs…