« Aller vers plus de redistribution »
Plusieurs scénarios sont en lice pour la réforme de la PAC. L’analyse de Laurent Pinatel.
dans l’hebdo N° 1269 Acheter ce numéro
Le gouvernement est très attendu sur la future politique agricole commune (PAC) pour la période 2014-2020. Selon Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, la réforme « doit permettre la mise en place d’une PAC plus juste, plus verte, plus régulatrice ». La Confédération paysanne souhaite que cette ambition se traduise concrètement.
Stéphane Le Foll devrait rendre début octobre les derniers arbitrages de la nouvelle PAC applicable en France. Où en êtes-vous de cette concertation ?
Laurent Pinatel : Dans le cadre de l’application en France de la réforme de la PAC, le ministre de l’Agriculture dispose d’une grande marge de manœuvre. Dans le courant du mois d’août, le ministère a présenté quatre scénarios concernant la répartition des aides directes, qui représentent 7,5 milliards d’euros par an. Certaines propositions maintiennent la situation actuelle, injuste, et d’autres l’améliorent. La Confédération paysanne soutient le troisième scénario, comme le PS, qui, dans un communiqué, a demandé à François Hollande de le défendre. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) s’est positionnée en faveur du deuxième scénario, qui est le moins redistributif. Mais le syndicat des Jeunes Agriculteurs, qui en est membre, a une préférence pour le troisième scénario. Il n’y a donc pas d’unité au sein du syndicat majoritaire.
En quoi consiste ce troisième scénario ?
Il s’agit de doter d’une aide minimum tous les hectares français, à l’exception de la vigne, et donc d’aller vers une plus grande redistribution. Cela permet de doter les hectares plantés d’herbe, de fruitiers et de légumes, et l’agriculture de montagne, qui actuellement n’ont rien. Ce scénario irait vers une dotation de paiement de base (DPB) qui serait la même pour tout le monde. On soutient aussi le principe d’une surprime aux cinquante premiers hectares, qui favorise les petites fermes, les éleveurs et l’emploi. Les éleveurs sont les oubliés de l’actuelle PAC. Selon les dernières études, les céréaliers ont en moyenne 75 000 euros de revenus annuels. Les producteurs de moutons et de viande sont à 12 000 euros annuels.
Est-ce que les arbitrages avancent dans le sens que vous souhaitez ?
Il nous semble que cela avance dans le bon sens. Mais François Hollande semble plus soucieux des rapports de force. Nous lui avons donc rappelé que la réforme de la PAC ne concerne pas que l’agriculture et les organisations syndicales. Quelle ambition avons-nous en termes d’alimentation, d’aménagement du territoire et d’emploi ? Il faut s’orienter vers plus de distribution et vers des paiements qui ne soient pas seulement liés à la surface mais aussi à la qualité des produits. Aussi proposons-nous une prime supplémentaire pour une ferme inscrite dans une démarche de qualité de sa production.
Avez-vous bon espoir que ces mesures soient retenues ?
François Hollande devrait annoncer en octobre les grandes lignes de la réforme. Nos propositions sont toujours sur la table, hormis celle sur la dotation aux hectares de vigne, très difficile à obtenir. Nous sommes toujours dans la course. Le Président et le ministre de l’Agriculture nous disent qu’il faut une PAC plus juste et plus redistributive. Chiche ! Il faudra bientôt rendre des comptes. Soit le gouvernement cède sous le poids des lobbies, essentiellement les céréaliers de la FNSEA et l’industrie agroalimentaire, soit il va au bout de sa volonté de réorienter l’agriculture. Nous en sommes là.