Convention suspendue (À flux détendu)

Qui pourrait s’opposer à l’instauration d’une convention collective, à part les plus libéraux des libéraux ? Pourtant, la convention collective de la production cinématographique, qui concerne en particulier les techniciens, ne cesse de déchirer le milieu du septième art. La violence de ce conflit interne montre à quel point les modalités d’élaboration de ce qui devrait être théoriquement une avancée sociale posent problème. Dernier épisode : le 6 septembre, le juge des référés du Conseil d’État a ordonné la suspension partielle de la convention collective, dont le texte avait été étendu par le ministère du Travail le 1er juillet et qui devait entrer en vigueur le 1er octobre. En cause : l’annexe dérogatoire relative aux films dont le budget est inférieur à 2,5 millions d’euros. C’est le talon d’Achille de cette convention. Celle-ci risque de « renchérir brutalement le coût de production » des films « dont le budget global dépend étroitement de la masse salariale », note l’ordonnance du juge. Autrement dit de mettre en péril l’existence même des films économiquement « fragiles », qui sont dotés de moins d’un million d’euros. Le Conseil d’État a estimé que les deux conditions pour prononcer la suspension étaient réunies : l’ « urgence » de la procédure se justifie, et « un doute sérieux » plane sur la légalité de la convention collective. Celle-ci n’a en effet été signée « que par une seule organisation d’employeurs, regroupant quatre sociétés de production qui n’ont assuré la production que d’environ 1 % du total des films d’initiative française, et ne représentant ainsi que 5 % environ des salariés dans le secteur de la production des films ». Certes provisoire, cette décision donne tort au ministère du Travail, suivi par celui de la Culture, d’avoir voulu passer en force dans un dossier aussi sensible, qui met en jeu des préoccupations sociales mais aussi la diversité culturelle cinématographique.