Un artiste au poste (À flux détendu)
Steven Cohen effectue ses performances depuis près de trente ans dans le même look queer spectaculaire.
dans l’hebdo N° 1269 Acheter ce numéro
Il est arrivé place du Trocadéro à 9 h 30. De loin, il a un look queer spectaculaire. Steven Cohen effectue ses performances depuis près de trente ans dans le même « costume de scène », à quelques variations près. Sur des chaussures à talons haut perchés, le buste pris dans une sorte de camisole, le crâne chauve, le visage poudré de blanc, les lèvres redessinées par le maquillage, les faux cils interminables. Au Trocadéro, il avait aussi des gants roses et un couvre-chef orné de grandes plumes ; enfin, last but not least, un coq était attaché à son sexe enrubanné. Invité dans le cadre du Festival d’automne, qui se déroule actuellement à Paris, Steven Cohen, artiste sud-africain « juif, blanc et pédé », avait décidé de faire cette performance hors programmation. L’endroit avait bien sûr son importance : la place du Trocadéro, mais surtout le Parvis des droits de l’homme. Son œuvre interroge la familiarité avec l’étrange ou le rejet de ce qui dérange. L’artiste, qui intervient toujours dans des lieux symboliques – un township, le Mémorial de la Shoah ou Ground Zero à New York –, travaille sur la « tolérance », comme il l’a dit quelques jours plus tard à la fondation Maison rouge, pour expliquer son geste artistique. De « tolérance », il n’en a pas été du tout question ce matin-là. Non de la part des touristes présents, amusés ou intrigués, mais de la police. Immédiatement emmené au commissariat de la rue de la Faisanderie, dans le XVIe arrondissement, Steven Cohen a fait l’objet d’une garde à vue pendant plus de 12 heures. Humilié, nié dans son identité d’artiste, il y a été traité comme un pervers sexuel. Il est cité à comparaître le 16 décembre devant le tribunal correctionnel pour « exhibition sexuelle ». La justice se couvrira-t-elle de ridicule, en plus d’être rétrograde, en condamnant Steven Cohen ?