343 putes contre 343 salauds

Le «Manifeste des 343 salauds» oublie le «Manifeste des 343 putes» et détourne le «Manifeste des 343 salopes». Parce que cela leur profite.

Ingrid Merckx  • 30 octobre 2013
Partager :
343 putes contre 343 salauds

C’est Lui. Frédéric Beigbeder. Celui qui a relancé le mensuel Lui et sa ligne hétérosexiste. Lui qui s’affiche en tête des « 343 salauds ». Des hommes (des vrais) qui osent (sous-entendu : courageusement) clamer leur « droit à leur pute » sur le mode : « Touche pas à ma pute ! »

Le texte et la liste des signataires, parmi lesquels Éric Zemmour, Nicolas Bedos et Ivan Rioufol, mais aussi le comédien Philippe Caubère (auteur d’un texte publié en 2011 dans Libération où il racontait être client de prostituées) est à paraître dans Causeur la semaine prochaine.

L’idée ? « Emmerder les féministes d’aujourd’hui » , lâche la rédactrice en chef de Causeur , Élisabeth Lévy.

Au moins l’objectif est clair. Le détournement des slogans aussi : de « Touche pas à mon pote » de SOS-Racisme à « Mon corps m’appartient » des femmes mobilisées autour de Simone de Beauvoir en 1971 pour réclamer le droit à l’avortement.

Sauf que les féministes de 1971 défendaient le droit de disposer de leurs corps à elles, et non de celui de l’autre. Quand les autoproclamés salauds défendent moins les droits des prostituées que le droit d’aller les voir quand ils veulent, comme ils veulent. Et de payer pour ça. On paie, on a le droit ? « Des relations tarifées entre adultes consentants, où est le problème ? »

Le problème, c’est que ce sont les « clients » qui réagissent, touchés au portefeuille (et pas que), alors qu’ils n’ont pas tellement réagi au délit de racolage passif qui, lui, a directement pénalisé et précarisé les prostituées. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas là d’un élan libertaire mais d’une pulsion libérale pour consommer du sexe comme n’importe quelle marchandise.

C’est oublier aussi que le slogan des « 343 salopes » a déjà été repris par les prostituées elles-mêmes, en 2000, dans un texte intitulé le «Manifeste des 343 putes». Là, la reprise de la formule « Notre corps nous appartient » prenait une autre tournure, contestable peut-être, mais recevable.

Le « Manifeste des 343 putes »

Dans le « Manifeste des 343 putes », les prostituées (prostitués inclus) rappellent qu’elles ne sont pas des victimes ni des inadaptées sociales, qu’elles sont indépendantes, libres et responsables, qu’elles ne sont pas des délinquantes, qu’elles sont libres de leurs choix, qu’elles sont lasses de l’exclusion et de la marginalisation, qu’elles sont des électrices, qu’elles en ont assez, surtout, qu’on parle à leur place.

« Ce n’est ni en rendant la prostitution délictueuse, ni en votant des lois sur la parité que vous supprimerez la domination de l’homme » , préviennent-elles.

Le manifeste des prostituées alimente le débat (séculaire) entre les concernés, entre les femmes et entre les féministes, sur la limite à poser au droit de disposer de son corps. C’est : mon corps m’appartient contre la non-patrimonialité du corps humain. Les relations tarifées contre la marchandisation du corps, rapports sexuels compris.

Les 343 salauds ne sont pas contre la pénalisation (du client), ils sont pour la prostitution (des femmes).

**
À suivre dans Politis…**

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Il existe une banalisation des pratiques non conventionnelles de soin »
Entretien 17 avril 2025 abonné·es

« Il existe une banalisation des pratiques non conventionnelles de soin »

Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes revient sur le dernier rapport d’activité de la mission interministérielle, révélant une augmentation continuelle des dérives sectaires entre 2022 et 2024 en matière de santé.
Par Juliette Heinzlef
« Avant, 70 % des travailleurs géraient la Sécu. Aujourd’hui, c’est Bayrou. Voilà le problème »
La Midinale 16 avril 2025

« Avant, 70 % des travailleurs géraient la Sécu. Aujourd’hui, c’est Bayrou. Voilà le problème »

Damien Maudet, député LFI-NFP de Haute-Vienne, auteur de Un député aux urgences aux éditions Fakir, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
L’atelier Missor dans le moule du combat civilisationnel
Enquête 16 avril 2025 abonné·es

L’atelier Missor dans le moule du combat civilisationnel

Ce lieu d’apprentissage de la sculpture et de la fonderie, populaire sur YouTube, est devenu un outil de promotion idéologique pour la droite et l’extrême droite. Début 2025, l’entreprise s’est retrouvée au cœur d’une affaire judiciaire impliquant la mairie de Nice.
Par Zoé Neboit
Face au fichage de « Frontières », les collaborateurs parlementaires exigent des mesures concrètes
Entretien 11 avril 2025 abonné·es

Face au fichage de « Frontières », les collaborateurs parlementaires exigent des mesures concrètes

Après la publication du média d’extrême droite visant plusieurs collaborateurs de députés, une mobilisation inédite s’est tenue à l’Assemblée nationale. Manon Amirshahi, secrétaire générale de la CGT-CP, revient pour Politis sur les dangers que font peser ces pratiques et les revendications portées par les organisations syndicales.
Par Maxime Sirvins