Deux fronts de gauche à Paris

Le choix des communistes parisiens de s’allier au Parti socialiste dès le premier tour fait tanguer l’alliance avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon bien au-delà de la capitale.

Michel Soudais  • 24 octobre 2013 abonné·es

Foin d’enthousiasme. Samedi soir, la petite dizaine de responsables communistes qui font face à la presse pour communiquer les résultats de la consultation de leurs militants sur les municipales ont le sourire discret. Igor Zamichei, secrétaire fédéral, annonce les résultats sur un ton monocorde : « 1 197 votants, 1 170 se sont exprimés, parmi eux 670 soit 53 % se sont prononcés pour une liste commune avec le PS dès le premier tour, et 500 votants pour une liste avec les autres composantes du Front de gauche. » À ses côtés, Ian Brossat, le chef de file désigné en septembre par le PCF, impassible, a le visage fermé. Avec cette alliance, le PCF peut faire élire en mars 13 conseillers de Paris (contre 8 actuellement), voire plus si le XVe ou le XVIIe arrondissements basculent. Mais l’abandon parisien de la stratégie du Front de gauche aura des répercussions dans la capitale et au-delà.

Dans les propres rangs du PCF, il est contesté. Les réticences face au choix de la direction, arrêté dès le mois d’avril selon quelques témoignages, se lisent dans le résultat, plus serré que le vote du conseil fédéral (67 %) du 8 octobre. Malgré nos demandes, nous n’avons pu obtenir un résultat détaillé du vote par section. L’Humanité note toutefois, sur la base de données partielles, que les votes « s’inversent d’une section à l’autre »  : l’alliance avec le PS l’emporte à 90 % dans les Xe et XIe arrondissements, ce dernier étant celui de M. Zamichei, et 80 % dans le XXe, arrondissement de Pierre Laurent. L’option Front de gauche l’emporte d’une voix dans le XIXe, mais a nettement les faveurs du XVIIIe, arrondissement de M. Brossat (70 %), et du XIIIe (70 %) ; selon Jean-Luc Mélenchon, elle grimpe à 87 % dans la section des employés de la mairie de Paris. Même si, d’un avis général, le débat en interne a été de bonne tenue, le résultat passe mal. Dans l’Humanité (21 octobre), Sébastien Jolis, secrétaire de la section du XIIIe, se fait le porte-parole de « l’amertume » des militants : « Au dernier congrès, nous avons choisi le renforcement du Front de gauche. On a du mal à comprendre que l’on n’applique pas cela à Paris. » La secrétaire de section du XVe arrondissement n’a pas tardé à en tirer la leçon. « Militante Front de gauche révolutionnaire, venue pour la mise en œuvre de l’humain d’abord et de la VIe République, je ne peux en aucun cas continuer à gérer la section » après les résultats du vote, justifie-t-elle dans sa lettre de démission. Le vote du PCF entérine la division du Front de gauche dans la capitale. Après avoir regretté une décision qualifiée d’ « erreur politique », Danielle Simonnet, chef de file du Parti de gauche, a tenu lundi matin une conférence de presse en compagnie de représentants de la Gauche anticapitaliste, de la Fédération pour une alternative sociale et écologique, de Convergences et alternative et des Alternatifs, déterminés à poursuivre la stratégie « autonome et conquérante » du Front de gauche à Paris. Sceptiques, voire critiques, sur les engagements programmatiques que le PCF a obtenu du PS, ils se sont dit persuadés de « rassembler les 100 000 électeurs » qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle en présentant des « listes ouvertes à tous ceux qui s’opposent aux politiques d’austérité, qu’elles soient locales ou nationales » dans l’ensemble des arrondissements de la capitale. Et ont lancé « un appel à l’ensemble des militants communistes, écologistes, socialistes, anticapitalistes, féministes, militants syndicalistes, du mouvement social et associatif » à rejoindre ces listes.

Si Jean-Luc Mélenchon fait mine de minimiser le vote du PCF parisien –  « C’est seulement une très petite minorité, certes prestigieuse et bien placée, qui nous a abandonnés », écrit-il sur son blog – et préfère rappeler que dans de très nombreuses villes les communistes ont refusé de rejoindre « les listes gouvernementales », l’ancien candidat à la présidentielle concède que ce vote va entraîner une « perte de visibilité » du Front de gauche au plan national. « Ce choix des communistes porte le risque d’une immense confusion politique », s’inquiète également l’historien communiste Roger Martelli. À Paris, lundi, les drapeaux du Front de gauche étaient de sortie pour la conférence de presse de Danielle Simonnet. Mardi, dans le Figaro, Igor Zamichiei faisait savoir que « le PCF à Paris utilisera le logo et l’appellation Front de gauche ». « Nous porterons une conception du Front de gauche et le Parti de gauche en portera une autre. »

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