Le fond de l’air est rouge

Un an après la disparition de Chris Marker, une convergence de manifestations vient donner toute la mesure de l’œuvre de l’auteur de la Jetée. Au programme : une exposition au Centre Pompidou, accompagnée d’une rétrospective, l’édition d’un coffret « Planète Marker », et la reprise en salle de certains de ses films. Le fond de l’air est rouge en fait partie, en version inédite restaurée. Réalisé entre 1973 et 1977, ce formidable essai cinématographique, montage virtuose de films militants, d’actualité et de fiction, embrasse la période qui va de la mort du Che, en 1967, à la rupture du programme commun, en 1977. Marker a l’œil sur toutes les résistances : à la guerre du Vietnam, au colonialisme, à l’exploitation capitaliste… en même temps qu’il constate le reflux de l’espoir. « J’ai voulu construire ce dialogue enfin possible entre toutes ces voix que seule l’illusion lyrique de 68 avait fait se rencontrer un court moment, a-t-il expliqué. Le montage restitue à l’histoire sa polyphonie. Chaque pas de ce dialogue imaginaire vise à créer une troisième voix produite par la rencontre des deux premières. Après tout, c’est peut-être bien ça la dialectique ? » Le fond de l’air est rouge, Chris Marker, 3 h. DVD 49e parallèle Réalisé en 1941, 49e parallèle démontre qu’un film de propagande peut être aussi une œuvre riche. Encore faut-il avoir aux manettes un cinéaste d’une grande liberté. Tel est Michael Powell, auteur, avec Emeric Pressburger au scénario, de grands films, tels que les Chaussons rouges ou le Narcisse noir. Situation initiale : un petit détachement de soldats se retrouve sur une terre hostile. Mais ces hommes n’ont pas du tout notre sympathie. Ce sont des nazis, « échoués » sur le territoire canadien, prêts à tout pour regagner leur pays. Ils vont ainsi se trouver en présence de personnages aux convictions démocratiques (formidable Leslie Howard en écrivain moins faible qu’il n’a l’air) et humanistes (la communauté des Hittites). Les confrontations entre Canadiens et nazis ne sont jamais abstraites car toujours en situation, où la dramaturgie n’est jamais sacrifiée. Michael Powell a su faire un film qui choisit clairement son camp sans mépriser la langue cinématographique. Bel exploit. 49e parallèle, Michael Powell, Carlotta, 1 DVD.