Libye : À la recherche d’un État
Deux ans après la mort de Kadhafi, le pays est toujours soumis au règne des milices, engagées dans des rivalités locales.
dans l’hebdo N° 1274 Acheter ce numéro
Les Libyens ont marqué d’une étrange façon, et avec quelques jours d’avance, le deuxième anniversaire de la mort de Mouammar Kadhafi, survenue le 23 octobre 2011. Le 19 octobre, le chef de la police militaire était abattu à Benghazi. Le 10 octobre, c’est le Premier ministre, Ali Zeidan, qui a été enlevé pendant quelques heures par une milice dite « officieuse ». Si ce dernier a finalement été libéré, les auteurs de cette opération ont tout de même fait passer un message inquiétant sur la fragilité d’un État qui n’en finit pas de se reconstruire. Au lendemain de la chute du régime Kadhafi, les rebelles, acteurs principaux de la révolution, sont restés constitués en milices armées et se sont substitués à un pouvoir défaillant. La marche vers la démocratie avait pourtant bien commencé. En juin 2012, malgré une semaine de violences tribales au sud-ouest de Tripoli, les Libyens s’étaient pour la première fois rendus aux urnes pour élire une Assemblée nationale. Une coalition de partis libéraux avait obtenu 39 sièges, devançant les islamistes du Parti de la justice et de la construction. Et, dans une manifestation de maturité démocratique, le Conseil national de transition, organe politique de la rébellion, avait remis, comme il s’y était engagé, le pouvoir à la nouvelle Assemblée.
Mais les violences sporadiques n’ont jamais cessé. Et le 11 septembre suivant, au cours d’une attaque perpétrée contre le consulat américain de Benghazi, l’ambassadeur était tué, ainsi que trois autres fonctionnaires américains. Les attaques visent pour la plupart des intérêts occidentaux, interdisant le redressement économique du pays. S’il est difficile de fournir une grille de lecture à ces événements, il est toutefois évident que les violences et les affrontements entre milices sont moins déterminés par un antagonisme entre islamistes et « laïques » que par des rivalités locales. Même si un groupe armé salafiste comme Ansar al-Charia reste très actif. Ces actes sont dus aussi à une dérive mafieuse qui résulte d’un certain clientélisme des nouveaux dirigeants, qui ont cru pouvoir acheter la paix en arrosant les ex-rebelles ou des petits responsables locaux.