Iran : Des vainqueurs et des vaincus
L’accord de Genève amorce un bouleversement politique dont tout le monde ne se réjouit pas.
dans l’hebdo N° 1279 Acheter ce numéro
Bien entendu, il y a les termes de l’accord. Les seuils d’enrichissement d’uranium que l’Iran ne devra pas franchir. Bien sûr, il y a la levée partielle des sanctions économiques, qui va renforcer la position du président Hassan Rohani. Mais, au fond, les négociateurs de Genève, Américains et Russes principalement, avaient surtout en tête les conséquences politiques d’un accord avec l’Iran. Pour autant que cet accord tienne, et qu’il soit confirmé dans six mois, cette longue négociation aura fait des vainqueurs et des vaincus. Dans la première catégorie, assurément, l’Iran, les États-Unis et la Russie. L’Iran, qui connaissait une sorte de quarantaine diplomatique depuis la révolution islamique de 1979, un isolement aggravé sous l’ère Ahmadinejad, réintègre aujourd’hui le concert international.
Du côté des vainqueurs, il y a aussi évidemment Barack Obama, grand artisan de ce bouleversement diplomatique, et Vladimir Poutine, qui le souhaitait, mais, lui, dans la logique de son positionnement traditionnel. Les vaincus, ce sont les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite notamment, qui redoute ce retour de la grande puissance chiite. Et, bien sûr et surtout, Benyamin Netanyahou. « Une erreur historique », s’est écrié aussitôt le Premier ministre israélien, qui brandissait depuis plusieurs années la menace de frappes contre l’Iran. Selon le géographe Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS, « M. Netanyahou était favorable à une action militaire qui aurait déclenché une guerre généralisée dans la région [^2] ». Et en effet, pour le Premier ministre israélien, qui poursuit obstinément sa politique de colonisation de la Cisjordanie, la menace d’une guerre avec l’Iran avait pour fonction principale de reléguer le conflit israélo-palestinien au second plan. Un embrasement général aurait créé un contexte propice à l’accélération du processus de colonisation. Aujourd’hui, M. Netanyahou ne peut plus guère passer à l’acte. Pour un temps au moins. Car toute faiblesse dans la mise en œuvre de l’accord de Genève pourrait relancer la stratégie de la droite israélienne.
Après les vainqueurs et les vaincus, il y a une troisième catégorie : ceux dont le profit est incertain. C’est le cas de la France. En se montrant la plus intransigeante, elle doit se préparer à des relations difficiles avec un régime iranien ragaillardi. Enfin, il y a la Syrie. Bachar al-Assad s’est empressé de se féliciter de l’accord. Il n’est pourtant pas certain que la réintégration de l’Iran dans le jeu diplomatique, et la nécessité pour Téhéran d’entretenir de bonnes relations avec Washington, soit tellement profitable au régime de Damas.
[^2]: Lundi matin sur France Inter.