«Les garçons et Guillaume, à table !» de G. Gallienne : un mâle incertain
Avec les Garçons et Guillaume, à table ! , le comique de Gallienne n’est pas toujours de très bon goût.
dans l’hebdo N° 1278 Acheter ce numéro
Guillaume Gallienne a une puissance comique incontestable. Il l’a montré à plusieurs reprises. Notamment dans les « Bonus de Guillaume », satires des suppléments de DVD vues sur Canal +, ainsi que dans la pièce dont le film est l’adaptation. Sur scène, les Garçons et Guillaume, à table ! était un one-man-show où Gallienne racontait que, dénué de virilité, enclin à ressembler aux femmes, il était « destiné » par sa famille à être homosexuel. Ce à quoi il apporte un démenti. L’acteur y jouait son propre personnage, plus jeune, mais aussi sa mère, son père, ses frères, et tous les autres protagonistes. En raison de cette unicité de comédien et d’un décor réduit à l’essentiel, le spectacle avait quelque chose d’abstrait – qui mettait en avant la performance de l’acteur – là où le cinéma nécessite d’investir le réel.
Or, le film flirte peu à peu avec ce qui restait étranger à la pièce : le boulevard. Le boulevard non dans ce qu’il peut avoir de meilleur – le non-sens poussé jusqu’à la folie – mais dans ce qu’il a souvent de désagréable quand il célèbre la normalité sous couvert de rigolade. Certes, les Garçons et Guillaume, à table ! compte des moments fort drôles. Guillaume Gallienne joue ici son propre rôle et celui de sa mère, une grande bourgeoise rustre et oiseuse, effet comique garanti. La scène où Guillaume se rêve en Sissi impératrice ou celle où il subit un massage bavarois prouvent que le comédien peut approcher l’abattage d’un Louis de Funès. Mais le rire suscité prend peu à peu un drôle de goût. Par exemple, quand Guillaume, après avoir dragué dans une boîte homo, se retrouve dans un guet-apens de pervers sexuels arabes – ce sont, comme par hasard, les seuls Arabes du film…
Plus gênant encore : à la fin, quand Guillaume annonce qu’il est amoureux d’une femme et que, décidément, non, il n’est pas homo, il prend une voix plus virile. Comme si Gallienne avait lui-même fait sien l’ a priori familial selon lequel virilité et homosexualité sont incompatibles. Cette « sortie du placard » hétérosexuelle – l’hétéro, comme l’amant, était caché dans le placard ! – a beau être autobiographique, elle sonne désagréablement. Et les déclarations d’amour à la mère qui s’ensuivent, à objectif lacrymal – incarnée alors par une comédienne, ce qui accroît le sentimentalisme –, achèvent d’instaurer le malaise. Ouf, Guillaume n’est pas homo ! Ouf, il aime sa maman !
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