Naissance d’un troisième pôle
Quatre formations du Front de gauche ont officialisé leur union ce week-end sous un nouveau label : « Ensemble. Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire ».
dans l’hebdo N° 1279 Acheter ce numéro
Le Front de gauche, qui comptait neuf organisations, en rassemble désormais six. Quatre des formations qui avaient rejoint entre 2010 et 2012 l’alliance initiée par le Parti communiste et le Parti de gauche ont en effet officialisé leur union ce week-end à Saint-Denis. Et ce au terme d’un patient processus de rapprochement amorcé dans les jours qui ont suivi l’élection présidentielle de mai 2012. La nouvelle formation a pris pour nom « Ensemble », avec un sous-titre qui signe son identité : « Mouvement pour une alternative à gauche, écologiste et solidaire », soit « Mages » en abrégé.
Les quatre fusionnés sont la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), née fin 2008 du rassemblement des derniers Collectifs unitaires antilibéraux, des Communistes unitaires et de quelques Verts de gauche, Les Alternatifs, petite formation héritière du PSU, Convergences & alternative (C&A), un courant du NPA formé en organisation autonome en avril 2011, et la Gauche anticapitaliste (GA), une scission du NPA de novembre 2011. Une partie de la Gauche unitaire (GU), constituée après le départ de Christian Picquet du NPA en mars 2009, a également décidé d’adhérer à « Ensemble », ainsi que plusieurs personnalités engagées dans le Front de gauche sans appartenir jusqu’ici à aucune de ses formations : l’altermondialiste Christophe Aguiton, qui a été une des chevilles ouvrières de ce rapprochement, le syndicaliste Pierre Khalfa, l’universitaire Jeannette Habel, la magistrate Évelyne Sire-Marin, l’écologiste Stéphane Lavignotte… « On a été tellement loin dans la décomposition, qu’à un moment il faut bien recomposer », nous confiait satisfait un des 220 délégués venus débattre de l’orientation politique du nouveau mouvement, de son nom et de son mode de fonctionnement dans une ambiance studieuse, et sans éclats.
Oublié le temps où, comme l’a rappelé Jean-Jacques Boislaroussie, porte-parole des Alternatifs, « le plus proche était l’adversaire ». Tous ont décidé de « faire cause commune pour peser davantage », selon le mot de Clémentine Autain (Fase). Et d’abord dans le Front de gauche, au sein duquel Ensemble, avec une centaine de comités recensés dans soixante-dix départements et 1 500 à 2 000 militants, revendique sa place de troisième pôle, aux côtés du PCF et du PG. Pas question toutefois de se positionner comme « une aile plus radicale » dans le Front de gauche, avertit Stéphanie Treillet (C&A). « Nous ne convergeons pas autour de l’idée que le Front de gauche doit être plus à gauche », renchérit Clémentine Autain, en réponse à l’appréciation critique de Christian Picquet, qui caractérise le nouveau mouvement comme un « pôle étriqué d’extrême gauche ». Serait-ce parce que Christian Picquet, avec la GU, postule lui aussi au rôle de troisième pôle au sein du Front de gauche ? Partisan de listes autonomes au premier tour des municipales, ce qui le différencie du PCF, Ensemble se prononce pour une « fusion des listes de gauche contre la droite et l’extrême droite [au second tour] en respectant les votes du premier tour » .
Si des différences programmatiques existent avec le PCF, sur le nucléaire par exemple, ou le PG (c’est le cas sur la République), Ensemble se singularise surtout sur le mode de fonctionnement. Au sein du Front de gauche, le nouveau mouvement revendique la possibilité d’adhérer directement sans nécessairement prendre sa carte dans l’une des formations de la coalition. En son sein, Ensemble refuse de se constituer en « un parti centralisé, léniniste » et entend « encourager l’autonomie des groupes et collectifs locaux », résume Christophe Aguiton, ce qui l’apparente à une fédération de collectifs. Avec des prises de décisions au consensus. Et la volonté de « prendre en compte l’individu », notamment grâce à un site Internet ^2 qui permette, via l’intégration de blogs personnels, de « démocratiser la prise de parole ». Ancienne porte-parole du NPA, Myriam Martin reconnaît que le mouvement a encore « un aspect empirique ». Que Clémentine Autain caractérise comme « une phase d’innovation et d’expérimentation ». Les organisations d’Ensemble ont prévu de se retrouver dans un an pour vérifier si, comme elles en ont l’espoir, elles sont parvenues à « ouvrir les portes et les fenêtres du Front de gauche ».
[^2]: http://www.ensemble-fdg.org/