Pénalisation des clients de prostitué(e)s : Une loi perverse
Les personnes prostituées redoutent que la loi ne les contraignent à entrer, plus encore qu’aujourd’hui, dans une clandestinité qui sera redoutable pour leur santé et leur sécurité.
dans l’hebdo N° 1277 Acheter ce numéro
Ce n’est pas bien d’acheter les services sexuels de quelqu’un. Tel est le message et le « signal fort » que veulent envoyer les partisans de la pénalisation des clients de la prostitution. Ils en ont fait la mesure phare de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel qui sera présentée le 27 novembre à l’Assemblée. A priori, cette leçon de morale a toute notre sympathie. La question est de savoir si le texte, tel qu’il est, peut atteindre son objectif, et s’il ne risque pas, au contraire, de frapper celles et ceux qu’il prétend défendre. Pour répondre à cette question, nous avons d’abord sollicité le point de vue des personnes prostituées. Et leur crainte est grande. Presque toutes redoutent que la loi ne les contraignent à entrer, plus encore qu’aujourd’hui, dans une clandestinité qui sera redoutable pour leur santé et leur sécurité. C’est hélas une des conséquences prévisibles des dispositions proposées.
L’autre conséquence possible, c’est que la peur du gendarme entraîne la baisse de la prostitution. Si tel était le cas on ne pourrait qu’applaudir. Encore faudrait-il, dans cette hypothèse optimiste, que la loi dise aux personnes prostituées ce qu’elles deviendraient. Comment elles pourraient s’en sortir. C’est toute la question du « volet social » de la loi. Un volet, disons-le, aussi faible que peu crédible. Sans clients, et sans prise en charge sociale sérieuse, les personnes prostituées seraient soit condamnées à prendre davantage de risques, soit vouées à une précarisation accrue. Voilà pourquoi nous parlons d’une loi « perverse ». Sans trop de jeu de mots, c’est une loi qui pervertit les objectifs de ses auteurs. Car, comme le dit fort justement Carine Favier, de la Confédération du Planning familial, « on ne peut pas faire des lois idéologiques qui desservent les personnes qu’elles sont supposées protéger ».
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