Racisme : les causes profondes
Quelles raisons font ainsi voler en éclats l’interdit ? La première réponse, c’est évidemment la crise. La responsabilité de ceux qui conduisent la politique économique et sociale du pays est engagée.
dans l’hebdo N° 1278 Acheter ce numéro
L’historien Pascal Blanchard le dit dans l’entretien qu’il nous a accordé (voir p. 19), il y a des périodes de « survisibilité de l’énoncé raciste et des périodes d’interdit ». C’est peu dire que nous sommes aujourd’hui dans une de ces phases de survisibilité. Toutes les expressions du racisme explosent sur la place publique et dans ces réseaux sociaux qui contribuent à les diffuser et à les banaliser. Des plus primaires, celles dont est la cible Christiane Taubira, jusqu’à des formes moins évidentes qui résultent d’une sorte de décomposition sociale.
Mais quelles raisons font ainsi voler en éclats l’interdit ? C’est à cette question que nous tenterons de répondre ici. La première réponse, c’est évidemment la crise. C’est ce moment où le capitalisme précipite les individus les uns contre les autres, brise les solidarités et les valeurs collectives. Quand l’extrême droite, une certaine droite et parfois, hélas, des responsables de gauche tentent d’en faire porter la responsabilité à des boucs émissaires. C’était le juif au début du XXe siècle ou dans les années 1930, le « Rital » ou le « Polack » dans les années 1950. C’est aujourd’hui principalement le « musulman » (souvent pour désigner « l’Arabe » ou le « Maghrébin »), ou le Rom, ou quiconque s’identifiera à cet Autre soupçonné de vous prendre votre travail ou de creuser le déficit de la Sécurité sociale.
À cette extrémité de la chaîne, c’est ce que Frantz Fanon appelait « la base émotionnelle et naïve » du racisme. Face aux diverses formes de racisme, on ne peut s’en tenir à la seule réprobation morale. Car, comme le disait encore Fanon, le racisme « n’est pas qu’une disposition de l’esprit », c’est aussi un système. Le système colonial qui a laissé des traces profondes dans notre société. Et le capitalisme dans ses formes les plus extrêmes. À cet égard, la responsabilité de ceux qui conduisent la politique économique et sociale du pays – et qui peuvent être sincèrement antiracistes – est engagée.
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