Un racisme anti-Taubira
La haine et le mépris dirigés contre la ministre tiennent d’abord au rejet des idéaux humanistes qu’elle défend depuis son entrée au gouvernement.
dans l’hebdo N° 1278 Acheter ce numéro
Dans l’affaire de la une abjecte de Minute, il ne faut pas négliger l’aspect racisme « anti-Taubira », la haine que suscite cette femme en raison de la qualité de son discours politique et des projets qu’elle a fait aboutir. Connue pour ses idéaux humanistes, la ministre de la Justice ne pouvait échapper aux critiques des droites arc-boutées sur le tout-carcéral, après dix ans de politique pénale ultra-sécuritaire.
Dès juillet 2012, soit deux mois après la mise en place du gouvernement Ayrault, au lendemain d’un entretien accordé à Libération, dessinant les perspectives d’une réforme pénale nécessaire (comptant parmi les promesses de campagne de François Hollande), notamment la suppression des peines plancher, Chrisitiane Taubira essuyait les tirs croisés de Gilbert Collard, Christian Estrosi, Éric Ciotti et Brice Hortefeux. « Notre-Dame de Lourdes des peines légères » pour l’avocat député FN, « nuisant à l’équilibre de notre démocratie » pour le maire de Nice, « laxiste » pour le député des Alpes-Maritimes, ou encore « fossoyeuse d’une autorité judiciaire dont elle est censée être la garante » pour le ministre de l’Intérieur sortant. La circulaire « Taubira », en septembre, incitant les juges à plus de discernement dans les peines prononcées, a été l’occasion d’une nouvelle salve de critiques acerbes (Jean-François Copé y voyant un acte « irresponsable »). Et voilà que la garde des Sceaux, en début d’année, porte la loi sur le mariage pour tous. Avec une véhémence, superbe et une éloquence d’exception. Pour beaucoup, désormais, la garde des Sceaux est d’abord la ministre du mariage pour tous. Elle est aussi la personnalité la plus à gauche du gouvernement, ce qu’elle démontre avec un projet de réforme pénale visant la désincarcération, qu’elle soutient contre Manuel Valls. De quoi attiser les haines de la fange. Après avoir été la cible des sexistes et des homophobes, la voilà attaquée par les racistes. Dans cette affaire, Christiane Taubira a au moins eu l’occasion de donner l’une des meilleures définitions du racisme : « Les propos [de Minute], a-t-elle dit, dénient mon appartenance à l’espèce humaine. » Oui, c’est cela le racisme : un meurtre symbolique.