Banlieue rouge : stratégie de l’absorption
Pour réussir son OPA sur la banlieue rouge, le PS en écarte les classes populaires, explique l’historien Roger Martelli.
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Absorber la petite couronne dans la métropole parisienne : tel est le projet socialiste. Décryptage d’une stratégie de longue haleine.
Que représente la Seine-Saint-Denis pour le Parti communiste ?
Roger Martelli : Ce département a été constitué au milieu des années 1960 par un découpage qui en faisait une sorte de bantoustan communiste. On y avait regroupé les électeurs du PCF et, au début, celui-ci y gérait 80 % de la population. En 1978, tous les députés du département étaient PCF. La situation commence à changer en 1983. Le PS devient hégémonique sur le plan national et vient à considérer la Seine-Saint-Denis comme une anomalie. Dès lors, l’objectif des socialistes est de grignoter l’influence communiste. Cette stratégie a commencé par des coups de canif dans l’union de la gauche appliquée en 1971 et 1977, et encore en partie en 1983. Dans ce département où la droite est hors course, cette stratégie consistait à présenter des listes contre les maires communistes sortants, comptant sur l’usure de ces maires et, éventuellement, le soutien de la droite au second tour. Le modèle de cette stratégie a été Pantin, où, allié aux Verts en 2001, le PS a ravi la mairie aux communistes.
La croissance de la métropole est-elle aussi un enjeu ?
Dans quatre communes du Val-de-Marne, un département communiste que les socialistes ont tenté sans succès de faire basculer aux cantonales de 2010, le PS envisage de se présenter contre des maires PCF. Mais « envisager » ne signifie pas nécessairement passer à l’acte. S’il y aura bien une « primaire » à Chevilly-la-Rue, Pascal Savoldelli, le « M. Élection » du PCF, observe qu’à Fontenay-sous-Bois, Ivry-sur-Seine et La Queue-en-Brie, les socialistes testent plutôt des listes.
À Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), ville gagnée en 2008 par le PCF sur le PS, ce dernier jouera sa revanche. Dans l’Essonne, Malek Boutih lorgne sur Grigny.
En région, les principaux points chauds sont autour de Grenoble, où le PS veut défier le PCF à Échirolles et menace de le faire à Fontaine et à Saint-Martin-d’Hères, et dans la communauté urbaine de Lyon, où le PS veut prendre Vaulx-en-Velin et s’agite à Vénissieux. C’est aussi le cas dans le Nord : après la décision des communistes lillois de constituer une liste Front de gauche, le secrétaire fédéral du PS a demandé à ses troupes de bâtir « des listes autonomes socialistes là où le maire sortant est communiste ».
Dans les Bouches-du-Rhône, les socialistes ont ciblé depuis longtemps l’ancienne ville minière de Gardanne, gérée depuis 1977 par le communiste Roger Meï, qui se représente pour un septième mandat. À Dieppe (Seine-Maritime), le PS veut se compter face au communiste Sébastien Jumel, qui a repris ce port à la droite en 2008. Dans le Cher, les socialistes rêvent de Vierzon, autre ville gagnée par le PCF il y a sept ans, contre un maire de droite venu… du PS.
Quelles grandes compétences la métropole va-t-elle prendre aux communes ?
L’idée est évidemment de transférer toutes les dépenses cruciales dans le développement économique du niveau communal et intercommunal vers le centre métropolitain afin de pouvoir le piloter par le haut. Cela aboutira à l’accentuation du transfert des catégories populaires vers le périurbain le plus éloigné. Avec les conséquences culturelles et politiques que l’on connaît. La situation de ces territoires, abandonnés et marginalisés par rapport au centre, nourrit une droite radicalisée et fait, dans l’immédiat, le bonheur du FN. Casser cette logique pour promouvoir une autre conception populaire, démocratique et sociale du cadre métropolitain est donc fondamental. Cela implique de battre la stratégie métropolitaine du PS, qui, en Seine-Saint-Denis, serait une catastrophe.