Denis Cheissoux : Le journalisme au naturel

Avec « CO2 mon amour », sur France Inter, Denis Cheissoux réunit chaque semaine près de 800 000 auditeurs, cultivant une écologie enthousiaste et concrète.

Claude-Marie Vadrot  • 12 décembre 2013 abonné·es

Des centaines de milliers d’auditeurs lui font confiance, quitte à le contredire ou à lui faire des reproches. Parce que sa voix et ses mots traduisent la sincérité. Ils sentent, après des années de présence à la fois invisible et chaleureuse, que l’homme qui cause dans le poste ne diffère pas de celui que connaissent ses amis. Sauf lorsqu’il part à vélo sur les routes de France. En ces occasions, il est toujours seul : « Je ne fais jamais de bicyclette avec les autres, c’est mon moment de solitude pendant lequel je me baigne dans le paysage ou j’admire les marmottes en montant les cols. J’ai besoin de cette solitude choisie. En pédalant, j’ai un jour trouvé le titre définitif de mon émission, et je recharge mes batteries. »

À 57 ans, Denis Cheissoux cultive son enthousiasme pour ce qui touche de près ou de loin à l’écologie. Une passion pour la nature semée par ses deux grands-pères. L’un dans le Tarn, l’autre dans le Morvan. L’un postier, l’autre chauffeur de taxi. Ils lui ont appris la biodiversité, le cycle des saisons, le temps des noisettes et la cueillette des mûres. L’un lui expliquait le jardin, l’autre la vie intense cachée dans les haies. «   Grâce à eux, je sais que l’écologie c’est d’abord le plaisir, je ne crois pas à l’écologie punitive ou austère. » Après des dizaines d’années de radio, Denis Cheissoux refuse de désespérer de l’homme et de sa relation avec la nature. Il est persuadé que le XXIe siècle sera écologique ou ne sera pas : «  Il faut vite inventer une renaissance, une transition ; cela ne se fera pas forcément dans l’égalité, mais la transformation nécessaire doit s’accomplir dans l’équité. » Les années passées auprès de ceux qui veulent changer le rapport à la nature l’ont dissuadé du découragement, en dépit de ce qu’il raconte parfois, même s’il tient à alterner réussites et dégradations. « Il ne faut pas être pessimiste car ce sentiment n’est qu’une lâcheté, synonyme de renoncement à l’action. La situation peut paraître difficile, mais il ne faut pas dire “à quoi bon” ou “après moi le déluge”. Il ne faut jamais oublier, qu’il s’agisse du loup, de la peur du sauvage, de l’énergie, du partage du territoire ou du réchauffement climatique, que la gestion écologique est complexe. » Denis Cheissoux se considère non pas comme un citoyen du monde mais comme un citoyen de la Terre. Assuré, en se souvenant de ses grands-parents, que, pour transmettre la sensibilité à la nature, l’art de raconter est supérieur aux diplômes et que c’est le cœur du journalisme : « Raconter et encore raconter, comme le fait toutes les semaines mon complice Jean-Marie Pelt. Nous devons être des passeurs, c’est notre métier bien avant l’analyse. » L’homme admet volontiers, malgré un angélisme apparent, que son émission n’est pas seulement une heure de bonnes nouvelles. Mais il est certain que sa force est de mettre en valeur des initiatives positives, même si cela ne fait pas encore sens pour tout le monde. Il aime toutes les réalités écologiques et paysagères, toutes les découvertes vécues du haut de sa bicyclette. Et revient sans cesse à la notion de plaisir, à tout ce qui fait du bien,  «   tout ce qui n’entre pas dans le PIB » .

À l’écoute des auditeurs, l’animateur n’ignore pas que ceux-ci sont aussi sensibles aux économies qu’un comportement écologique peut engendrer et aux questions de santé, particulièrement les femmes. Il multiplie le récit des expériences car il croit à l’exemplarité. Sans négliger l’impact du réchauffement climatique et les catastrophes environnementales : « Notre société n’avance ou ne progresse que par une succession de chaos et d’accidents écologiques, ils ont donc leur place dans l’émission. » Denis Cheissoux a pris pied dans le service public à 24 ans, en « faisant l’écolo   » dans la célèbre émission « L’oreille en coin », de Pierre Codou. S’il est respecté, considéré bon camarade et pilier de la maison, c’est également parce qu’il réunit chaque samedi une moyenne de 750 000 auditeurs, avec des pics à plus de 800 000. Ce qui place son émission devant toutes les autres radios généralistes. Il ne le dit pas, mais d’autres l’expliquent : c’est son assurance vie contre bien des tentations de mettre l’écologie au placard.

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