Fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ?
Cette hypothèse resurgit à l’occasion de la « remise à plat » de la fiscalité voulue par le gouvernement. Selon Nicolas Sansu, elle fragiliserait le financement de la Sécurité sociale. Pour Emmanuel Maurel, elle rendrait du pouvoir d’achat aux Français les moins aisés.
dans l’hebdo N° 1281 Acheter ce numéro
À l’occasion de la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, l’hypothèse de la fusion entre l’impôt sur le revenu (IR) des personnes physiques et la contribution sociale généralisée (CSG) reprend de la vigueur.
Si chacun peut s’accorder sur la nécessité de rendre plus progressive l’architecture des contributions communes – ce que les libéraux appellent les prélèvements obligatoires –, il apparaît cependant que la fusion de l’IR et de la CSG est porteuse de danger.
Laissons de côté les difficultés techniques qui peuvent apparaître pour cette fusion, et d’abord le fait que l’IR est « familialisé » alors que la CSG est individualisée, car ce sont des problèmes qui, pas à pas, peuvent être surmontés.
Le principal argument de refus de la fusion tient dans le fait que la CSG n’est pas un impôt comme les autres. C’est une contribution affectée au budget de la protection sociale, mais une contribution qui a enclenché le mécanisme d’étatisation de la protection sociale.
Or, nos aînés ont bataillé pour que les différentes branches de la protection sociale soient financées non par l’impôt mais par des cotisations sur les salaires. En ce sens, le financement de la Sécu n’est pas une charge, c’est un « salaire différé » consenti collectivement. La fusion de l’IR et de la CSG viendrait fragiliser encore davantage le mécanisme de financement de la protection sociale.
Dans l’état actuel des dettes publiques, imputables à 78,5 % au budget de l’État, à 11,5 % au budget des collectivités locales et à 10 % au budget de la protection sociale, fusionner une part des recettes, c’est aussi fusionner les dettes. Et ainsi prendre une part des 90 milliards d’euros de rendement de la CSG pour répondre aux injonctions de Bruxelles et des fameux 3 %, au détriment des caisses sociales et donc de certaines actions ou prestations provenant de la protection sociale.
D’autre part, les simulations effectuées par les services de l’État, corroborées par les organisations syndicales de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), montrent que la fusion de l’IR et de la CSG aura des conséquences importantes pour nos concitoyens. Le nombre de perdants serait supérieur à 9 millions de foyers, et « 35 % à 45 % des perdants disposent de moins de 26 000 euros de revenus ». Et même, parmi ces 9 millions, 1 million déclarent moins de 14 000 euros par an. Nous sommes loin des classes aisées !
La fusion IR-CSG est donc une fausse bonne idée qui risquerait de nuire à la nécessaire refonte de la fiscalité nationale et locale. Plutôt qu’une fusion, travaillons à la mise en œuvre d’un impôt sur le revenu véritable, avec la création de nouvelles tranches, une remise à plat et un plafonnement des niches et des crédits d’impôts, comme les parlementaires du Front de gauche le portent à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Dans le même temps, il faut engager la sortie progressive de la CSG par le basculement en cotisations, pour ce qui est des salariés, et par une taxe additionnelle sur les actifs financiers et les revenus du capital. C’est le seul moyen de préserver notre modèle social, car, si le financement provient de l’impôt (fusion IR-CSG et/ou TVA), c’est un véritable hold-up des salariés que l’on organise.
Sous couvert de la vertu de la progressivité, il ne faut pas que la fusion IR-CSG fasse le lit du démantèlement de notre protection sociale.
Le débat autour de la fusion entre l’impôt sur le revenu (IR) et la contribution sociale généralisée (CSG) n’a rien de technique. Il s’agit de renouer avec un impôt citoyen sur le revenu, garant d’une redistribution plus juste des richesses. C’était l’engagement n° 14 du président de la République. Aujourd’hui, c’est une promesse qu’il faut traduire en réforme afin de rétablir la justice fiscale au bénéfice des classes populaires et moyennes.
Les prélèvements obligatoires en France sont peu redistributifs. Ce qui trouve son explication dans la faible importance des impôts progressifs dans notre pays. L’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune (ISF), acquis politiques historiques de la gauche au pouvoir, font certes exception, mais l’IR ne représente que 2,5 % du PIB contre près de 10 % en moyenne dans l’OCDE. Son importance s’est vue réduite du fait des allégements successifs. Sa progressivité a été minée par la multiplication des déductions, réductions et crédits d’impôts, comme par la remise en cause de son barème. Résultat : on a aujourd’hui un impôt sur le revenu très concentré, à base étroite.
La CSG est au contraire un prélèvement universel, mais qui tend à ignorer les capacités contributives des citoyens.
En fusionnant l’IR et la CSG, la France peut enfin créer un grand impôt progressif sur le revenu, comparable à celui de ses voisins, afin de rendre du pouvoir d’achat aux Français les moins aisés.
À cette fin, il faudrait d’une part rendre la CSG progressive, ce qui permettrait de donner une centaine d’euros aux travailleurs modestes. Dans un second temps, le rapprochement IR-CSG consisterait à rétablir l’impôt sur le revenu en supprimant un grand nombre de niches fiscales obsolètes et injustifiées, à commencer par les abattements au profit des revenus financiers ou des familles aisées.
Cette fusion ne remettrait pas en cause le financement de la protection sociale ni le rôle des partenaires sociaux dans sa gestion, auxquels les Français sont attachés depuis la création de la Sécurité sociale. Il est pour cela nécessaire de sanctuariser la part des recettes devant lui revenir, et c’est techniquement possible.
Il s’agira également de mettre en place un prélèvement à la source de l’impôt, comme pour l’actuelle CSG, ce qui simplifierait la vie des citoyens. Il faudra évidemment revoir le mode et l’organisation de la collecte des prélèvements, mais nous savons que l’administration est au service de la République et qu’elle saura adapter ses méthodes pour favoriser la mise en œuvre de ce progrès républicain.
La gauche doit se fixer l’objectif ambitieux de restaurer la part de l’impôt progressif à 10 % du PIB.