Une force critique (À flux détendu)

Depuis une dizaine d’années, il est dynamique et gagne des prix dans les festivals : c’est le Nouveau Cinéma israélien. Tel est aussi le titre du livre (éditions Yellow Now, 176 p, 15 euros) que lui consacre l’un de ses meilleurs connaisseurs, Ariel Schweitzer, historien du cinéma, critique et enseignant à Paris-VIII et à l’université de Tel-Aviv. Préfacé par Ari Folman, réalisateur emblématique de Valse avec Bachir, le livre ne fait pas l’impasse sur les raisons structurelles de ce renouveau : l’instauration d’une politique culturelle volontariste, avec une augmentation des crédits publics et  des accords de coproduction entre le CNC français et le Conseil israélien du cinéma. Surtout, Ariel Schweitzer montre comment ce nouveau cinéma israélien, dans sa grande majorité, allie inventivité et mise en cause des représentations communes, quand il ne s’agit pas directement de critique sociale ou politique. Ce sont des films où la place des femmes est revisitée ( Mon Trésor, de Karen Yedaya), comme celle des homosexuels ( Yossi et Jagger, d’Eytan Fox), ou donnant de la société israélienne une vision non pas uniforme mais multiculturelle ( Ajami, de Scandar Copti et Yaron Shani). N’oubliant jamais sa plume critique, Ariel Schweitzer souligne comment la thématique religieuse, après avoir été féconde ( My Father, My Lord, de David Volach), devient un « fonds de commerce », ou interroge la manière dont certains films sont incapables de donner la parole à l’Autre, c’est-à-dire aux Palestiniens. Il n’hésite pas à consacrer un chapitre au seul Avi Mograbi, le plus subversif de tous, formellement et politiquement, tandis que le livre se clôt par une série d’interviews de cinéastes. Israël n’est décidément pas un pays comme un autre. Une bonne part du cinéma qui en est issu constitue, en son sein, une singulière force d’interpellation et de contestation de sa politique et de son inquiétante évolution. Le livre d’Ariel Schweitzer en apporte la preuve documentée et argumentée.