Barrage des Plats : coulé ?

La réhabilitation de cet ouvrage sur un affluent de la Loire oppose depuis des années associations locales et responsables politiques. La justice a interrompu les travaux pour vice de forme.

Florence Tricoire  • 16 janvier 2014 abonné·es

C’est une décision peu ordinaire qu’a prise, le 14 novembre, le tribunal administratif de Saint-Étienne : interrompre les travaux de réhabilitation d’un barrage, alors que la moitié de l’ouvrage est déjà construite. Une victoire pour le Collectif Loire amont vivante (Clav), regroupant une dizaine d’associations locales. «   Ce projet n’avait aucune cohérence. Le barrage ne servait à rien, sa réhabilitation coûterait très cher et gâcherait la magnifique biodiversité de la rivière », estime Martin Arnould, membre du Clav et chargé du programme « rivières vivantes » au WWF (le Fonds mondial pour la nature).

Construit en 1957 sur la Semène, un affluent de la Loire, le barrage des Plats était dévolu à l’approvisionnement en eau de la ville de Firminy, au sud-ouest de Saint-Étienne, dans le but de soutenir son développement industriel. Mais la forte croissance démographique n’est jamais venue, et le barrage n’a que très peu servi. En 2005, menaçant de céder, l’édifice est percé et la rivière reprend son cours. «   La Semène est devenue la plus belle rivière du département, se réjouit Martin Arnould. Son écosystème est remarquable, on y a même trouvé des loutres et des campagnols amphibies ! » Mais, très vite, le Syndicat des barrages, regroupant les mairies de Firminy, Unieux, Fraisses et Saint-Paul-en-Cornillon, exprime sa volonté de réhabiliter le barrage. «   Il existait, il doit être reconstruit. Je comprends bien les arguments des associations écologistes, mais il y a de nouveaux besoins, et le barrage des Plats serait une sécurité si les ouvrages alentour avaient un problème. C’est de l’ordre de l’intérêt général   », estime Joseph Sotton, le maire divers gauche de Fraisses, qui est aussi vice-président du Syndicat des barrages. Martin Arnould ne l’entend pas de cette oreille : «   L’objectif du syndicat était simplement de faire du fric en vendant de l’eau, au nom de la vertu d’une gestion directe du service public ! », considère-t-il. Service public auquel tient effectivement le maire de Fraisses, qui estime qu’ «   on ne gère bien l’eau que de près. Je trouve qu’elle devrait d’ailleurs être nationalisée et que tout le monde devrait payer le même prix, n’importe où en France. Je voudrais ne jamais devoir acheter de l’eau à Vivendi ».

Selon le Clav, qui s’appuie sur les calculs de la ville d’Unieux, seule commune du syndicat à s’opposer au barrage, «   le prix de l’eau augmenterait énormément. De plus, c’est le contribuable qui paierait une grande partie de la reconstruction. Autre absurdité : alors que 8 millions d’euros ont été par ailleurs attribués à la restauration écologique de la Semène, ils seraient en partie dilapidés par le retour du barrage », poursuit Martin Arnould. Malgré les avis techniques défavorables de plusieurs organismes publics et les diverses propositions alternatives, l’accord de la préfecture est donné en mai 2012, et les travaux débutent à l’automne, pour un coût prévu de 6,5 millions d’euros. «   Auxquels il faudrait ajouter 4 millions d’euros pour la construction d’une usine de potabilisation de l’eau, indique Antoine Lardon, membre du Clav et président de la Fédération de la pêche de Haute-Loire. Beaucoup plus cher que notre proposition, plus respectueuse de l’environnement, et qui profiterait à plus de communes : relier le barrage de Lavalette, sous-utilisé, à l’usine de potabilisation de Monistrol-sur-Loire. Un projet chiffré à 3,7 millions d’euros en 2009, mais qui n’a pas été retenu. »

L’annulation du permis de construire, pour «   défaut d’information des élus locaux qui ont validé le projet », intervient alors que l’ouvrage est déjà à moitié construit et qu’ «   environ 2,5 millions d’euros ont été engagés   », d’après Antoine Lardon. Les opposants ne se font donc pas trop d’illusions : les travaux devraient reprendre. «   Mais une nouvelle enquête publique devra probablement être menée, estime Martin Arnould, en espérant que le dialogue soit mieux respecté.   » Le maire Joseph Sotton est également convaincu que l’interruption ne sera que temporaire. «   Dans le cas contraire, nous nous plierons à la décision. Mais le jour où il y aura un problème, on saura vers qui se tourner ! » Et puis il faudrait indemniser les constructeurs. «   Moins cher que de poursuivre », pour Martin Arnould. Et que ferait-on du barrage ? «   Tout simplement le percer de nouveau, et garder le mur comme un monument à la connerie humaine ! »

Écologie
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