Ceuta, douce prison

Ils sont afghans, congolais, indiens, camerounais, algériens… Ils ont accompli un périple dangereux, ont pour beaucoup frôlé la mort dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Ils y sont presque parvenus en atteignant Ceuta, une enclave espagnole sur le territoire marocain, tristement connue pour son mur d’enceinte qui symbolise l’Europe forteresse. Schengen n’y a pas cours. Ce qui signifie que les migrants sont bloqués là, dans l’attente très aléatoire d’un laissez-passer du ministère de l’Immigration espagnol. Ce qui peut prendre des années. La décision de renvoyer le migrant là d’où il vient peut aussi ruiner tous les efforts accomplis jusque-là. Jonathan Millet et Loïc H. Rechi se sont attachés à montrer ce qu’est la réalité de ces migrants, filmant cinq d’entre eux individuellement ou ensemble. C’est une situation de grand désœuvrement et d’espoir, encore tenace pour beaucoup, affaibli pour d’autres. Le regard fixé sur la côte espagnole, l’oreille collée au portable pour prendre des nouvelles des proches restés au pays, ils racontent leur histoire, tentent de donner du sens à leur attente. Jonathan Millet et Loïc H. Rechi les filment souvent de dos, la nuque au premier plan, comme si nous étions dans leur tête. À l’image des parcours qu’ils effectuent dans la ville pour passer le temps, ils tournent en rond, ne trouvent plus le sommeil. Une folie douce dans une « douce prison ».