EELV coincé par les élections

Face au virage du Président, les écologistes, qui comptent sur le PS pour les municipales, renvoient le bilan de leur alliance gouvernementale à fin 2014.

Patrick Piro  • 23 janvier 2014 abonné·es

Deux jours après le discours du président de la République, l’équipe exécutive d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), qui présentait jeudi dernier ses vœux à la presse, ne pouvait manquer de commenter cette intervention. Exercice d’équilibriste, parfois même osé : « Les pistes présentées par François Hollande laissent entrevoir un véritable changement de société », avance Emmanuelle Cosse, nouvelle secrétaire nationale d’EELV.

Loi sur la fin de vie, contreparties au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou approfondissement de la décentralisation, voilà les réformes soulignées par l’exécutif écologiste. « Mais nous attendons des précisions pour en mesurer l’ampleur et le caractère, prévient Emmanuelle Cosse. Si nous ne sommes pas opposés à la suppression des cotisations familiales pour les entreprises, il faut aller jusqu’au bout de la réflexion : qui va payer ? Oui aux économies, à condition qu’elles soient justes et porteuses pour l’écologie. Et les arbitrages doivent être pris collectivement, avec les syndicats et les parlementaires. Nous serons vigilants sur le calendrier et les mesures. » Car c’est bien la frustration qui domine chez EELV. Et même des regrets « extrêmement forts »  : l’écologie passée à la trappe, l’occasion encore repoussée, avec les municipales, d’accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales. Sandrine Rousseau, l’une des porte-parole du parti, souligne les manques du discours présidentiel : pas de taxe sur les transactions financières, rien sur l’introduction de la proportionnelle dans les scrutins, aucun signe de transition de l’industrie vers l’économie et les emplois verts, pas de « choc de simplification » pour l’accès au RSA, aux allocations chômage ou à la carte de séjour…

Sans grande conviction, la secrétaire nationale réaffirme que l’allié écologiste compte « poursuivre des discussions exigeantes » avec le gouvernement, attendant que 2014, « année cruciale pour EELV, soit celle de l’écologie ». Rendez-vous est pris, notamment, pour le vote de la loi sur la transition énergétique, prévu à la fin de l’année. Une ligne officielle qui fait bouillir l’aile gauche du parti. « Hollande vient de donner un coup d’accélérateur favorable au libéralisme, notre position est de moins en moins tenable », peste Jacques Boutault, qui sent « une colère » monter chez les militants. Pour l’économiste Jérome Gleize, on atteint « le degré zéro de la politique économique, avec la vente d’EPR pour seule perspective d’investissement pour engager la transition écologique ». Consciente que la conférence de François Hollande formate la seconde partie de son quinquennat, Lucile Schmid, tête de l’opposition à la ligne majoritaire lors du congrès de Caen, appelle à mettre à plat la stratégie du parti. « On ne peut plus se contenter d’une alliance au fil de l’eau. Cela fait dix-huit mois que nous déclarons que la transition écologiste est la priorité, et nous prenons date pour 2014 comme si l’on oubliait tout ce qui n’a pas été réalisé en 2013. »

Jacques Boutault redoute même un changement d’alliance. « Les masques tombent : les centristes sont satisfaits du virage du Président, qui reste sourd à nos protestations. » Il pronostique pourtant que l’équilibrisme restera de mise à EELV au moins jusqu’en juin, car les écologistes ont besoin de leurs alliés socialistes pour faire bonne figure aux élections municipales et européennes. Postulant à la prolongation de son mandat de maire du IIe arrondissement de Paris, Jacques Boutault est bien placé pour en parler. Un scénario de rupture ? Jean-Vincent Placé n’y croit guère. « Hollande n’a pas de majorité alternative. Il a laissé passer l’occasion en rejetant Bayrou en 2012. » Si le chef du groupe écologiste au Sénat interprète bien le discours de Hollande comme un message de confiance adressé au Medef, il préfère retenir que la loi de transition énergétique faisait partie des trois priorités définies par le Président lors de ses vœux pour 2014. « Et puis, nous non plus n’avons pas d’alternative politique à l’alliance socialiste. Nécessité fait loi. »

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