Gaz de schiste : les industriels font plier l’Europe
Bruxelles abandonne le projet de légiférer sur les risques écologiques.
dans l’hebdo N° 1287 Acheter ce numéro
Il n’y aura pas de directive pour encadrer l’exploitation du gaz de schiste. L’Union européenne, qui l’avait envisagé, a finalement décidé de s’en tenir à une recommandation, renvoyant les États à leurs propres législations environnementales, considérées comme suffisantes pour contrôler l’impact environnemental, quitte à les renforcer. Le texte se borne donc à édicter des principes de simple bon sens (veiller à ne pas polluer les nappes phréatiques, informer les riverains, mener une étude d’impact approfondie, etc.). Certes, l’énergie n’entre pas dans les compétences de l’Union européenne. Cependant, Bruxelles tenait l’occasion d’encadrer la pratique de la fracturation hydraulique (seule méthode d’exploitation opérationnelle du gaz de schiste à ce jour), par le biais de la législation environnementale européenne, notamment sur la qualité de l’eau. La Commission reconnaît d’ailleurs les nombreux dégâts observés aux États-Unis, y compris les risques de séismes locaux et les problèmes sanitaires engendrés par l’usage massif de produits chimiques sur les sites d’extraction. Plusieurs pays européens étaient pourtant favorables à une loi, dont la France, l’Allemagne et la Bulgarie, qui ont interdit totalement ou partiellement l’exploitation. Cependant, la motivation était plus forte du côté des pays désireux de tirer parti de leurs gisements potentiels de gaz de schiste. En dépit des mouvements de contestation qui s’y développent, c’est le cas du Royaume-Uni, désormais très volontariste, de la Roumanie ou de la Pologne. Ce dernier pays, un temps présenté comme le mieux doté de l’Union (devant la France), déchante, confronté aux difficultés d’exploitation et à la désertion de plusieurs énergéticiens [^2], déçus par des rentabilités qui s’annoncent bien plus faibles que ce qui avait été envisagé.
Le recul de Bruxelles coïncide avec la présentation de son projet pour le prochain paquet énergie-climat, à savoir les engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union à l’horizon 2030. Dans ce cadre, une lettre ouverte signée par 250 organisations citoyennes européennes exprime une « très grande préoccupation » face à la politique menée par les institutions européennes sur les hydrocarbures non conventionnels ^3 – le gaz de schiste notamment, reconnu comme plus émetteur de CO2 que le gaz naturel. Mais dont l’approvisionnement européen est très dépendant de la Russie, fournisseur encombrant.
[^2]: Le pétrolier italien Eni vient de jeter l’éponge après trois compagnies nord-américaines, dont Exxon Mobil.
[^3]: france.attac.org