Genève 2, malgré tout

Finalement, la conférence dite de paix devrait bien avoir lieu, mais avec de fragiles chances de succès.

Denis Sieffert  • 23 janvier 2014 abonné·es

L’Iran ou l’opposition syrienne ? C’est à peu près les termes du dilemme qui se posait aux grandes puissances, à l’ONU et à la Ligue arabe qui parrainent la conférence Genève 2, qui devait s’ouvrir mercredi dans un grand hôtel de Montreux, en Suisse. La Coalition nationale syrienne (CNS) avait en effet posé comme condition à sa présence que l’Iran ne soit pas invité, en raison de son soutien direct au régime de Bachar Al-Assad, et indirect, par l’intermédiaire du Hezbollah libanais. Après avoir reçu l’assurance qu’il en serait ainsi, la CNS a donné son accord pour participer à la conférence. Mais, sous la pression de la diplomatie russe, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, décidait, lundi, d’inviter l’Iran. Ce revirement a entraîné immédiatement le retrait de l’opposition syrienne. Ce qui n’avait d’autre effet que l’annulation pure et simple de la réunion. Finalement, Ban Ki-moon était contraint, dans la soirée de lundi, de revenir sur son invitation, suscitant les vives critiques de Moscou. En réalité, le débat portait plus sur l’ordre du jour et les objectifs de la conférence qu’à proprement parler sur la présence de l’Iran. Téhéran refusait en effet le cadre de la réunion qui doit conduire à la définition d’une transition. Autrement dit, au départ programmé de Bachar Al-Assad. Il est probable que ce cadre a fait l’objet d’un débat au sein du régime iranien. Ce qui pourrait expliquer les hésitations de Ban Ki-moon.

Il est certain en tout cas que la présence de l’Iran était impossible à accepter pour la CNS, laquelle doit déjà avaler la couleuvre d’un face-à-face avec son bourreau. Or, cette concession a été très difficile à faire accepter au sein de la CNS où plusieurs factions cohabitent. Le principal partisan de la tenue de la conférence a été le président de la Coalition, Ahmad Jarba, soutenu par l’Arabie saoudite. Mais, tout au long du week-end précédant la conférence, les représentants de l’opposition en exil ont débattu âprement de la question de leur participation. Sur les 122 membres de la CNS, dont beaucoup ont manifesté leur désaccord par leur absence, la participation à Genève 2 n’a recueilli que 58 votes favorables, contre 14 défavorables. C’est donc une représentation minoritaire qui devait se rendre à Montreux. Si l’on ajoute à cela l’hostilité de courants salafistes à l’intérieur de la Syrie, on mesure la faiblesse de la position d’Ahmad Jarba. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le veto à la présence iranienne.

Mais les obstacles à une avancée diplomatique sont encore plus nombreux du côté du régime syrien. À la veille de la conférence, Bachar Al-Assad a réaffirmé sa volonté de se représenter à la présidence cette année. C’est dire si les espoirs sont minces de voir sortir une solution politique de Genève 2. Pendant ce temps-là, sur le terrain, la répression se poursuit. On estime à 130 000 le nombre de morts depuis le début de la révolution, en mars 2011. Tandis que 2,4 millions de Syriens ont quitté le pays et vivent réfugiés principalement en Jordanie et au Liban. Le fait nouveau sur le terrain, c’est l’offensive menée depuis début janvier par trois groupes de rebelles contre l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe lié à Al-Qaïda, qui a participé à la rébellion face au régime de Bachar Al-Assad, avant de se retourner contre les rebelles. Ces derniers entendent ainsi reprendre la direction du soulèvement face à un mouvement rejeté par la population et qui a beaucoup contribué à discréditer la révolution. Un mouvement qui a aussi servi d’argument au régime baasiste.

Monde
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